Recruter des travailleurs à l'étranger

11 janvier 2022
Par Vincent Rioux

L’industrie de la construction au Québec fonctionne à plein régime et rien n’indique que les activités vont dérougir dans ce secteur en pleine effervescence. Alors que les projets de construction foisonnent, la main-d’oeuvre, elle, se fait de plus en plus rare, ce qui incite plusieurs entrepreneurs à se tourner vers le recrutement international.

D’ailleurs, vu les nombreux projets d’infrastructure prévus dans les dix prochaines années, l’Association de la construction du Québec (ACQ) soutient que l’industrie aura besoin, lors de cette période, de 20 000 travailleurs annuellement, en moyenne.

 

« En se projetant dans l’avenir, on a regardé à combien d’heures travaillées on peut s’attendre pour l’ensemble de l’industrie dans les dix prochaines années », explique le responsable des affaires publiques à l’ACQ, Guillaume Houle. « On compte qu’il nous manque 20 000 travailleurs par année pour arriver à des moyennes d’heures travaillées qui sont similaires annuellement, par travailleur, par région, par corps de métier. C’est énorme ! », s’inquiète-t-il.

 

Guillaume Houle, responsable des affaires publiques à l’ACQ. Crédit : Photographes commercial

 

La grande majorité des besoins se trouve évidemment dans la grande région métropolitaine. La ville de Québec figure aussi parmi les régions qui auront besoin de travailleurs dans les prochaines années. À cet effet, le projet de tramway et celui du troisième lien mobiliseront beaucoup de main-d’oeuvre. « L’autre région visée, c’est la Côte-Nord, indique Guillaume Houle, notamment parce qu’il y a des gens qui quittent cette région, mais aussi parce qu’il y a des grands projets d’infrastructure pour Hydro-Québec et pour des mines. »

 

Pénurie réelle ou perçue ?

Si un entrepreneur en construction peine à trouver de la main-d’oeuvre, le recrutement à l’international peut effectivement devenir une option intéressante, pourvu qu’il réponde aux critères bien stricts concernant l’immigration. Car ne recrute pas à l’international qui veut.

 

Une étape cruciale avant d’enclencher le processus de recrutement à l’étranger consiste à évaluer si l’entreprise est bel et bien en situation de pénurie de main-d’oeuvre. « Il peut arriver qu’un employeur vive une pénurie de main-d’oeuvre, non pas parce qu’il manque de main-d’oeuvre, mais parce que ses conditions d’emploi ne sont pas concurrentielles sur le marché du travail », indique Marie- Josée Chouinard, directrice principale chez Québec International, une firme spécialisée en attraction et rétention de travailleurs.

Marie-Josée Chouinard, directrice principale chez Québec International.  Crédit : Québec Internationnal

 

Pour avoir des conditions d’emploi compétitives, l’entreprise doit procéder à une analyse des salaires pour évaluer si elle est attrayante sur le plan salarial. Les conditions d’emploi doivent aussi être intéressantes pour l’employé. Finalement, l’entreprise doit s’assurer d’avoir entrepris les démarches adéquates quant au recrutement local afin de rejoindre les candidats là où ils sont. Lorsqu’une pénurie de main-d’oeuvre bien réelle est observée au sein d’une entreprise, cette dernière pourrait commencer à envisager le recrutement à l’étranger.

 

D’abord l’entrepreneur doit minutieusement examiner ses besoins en main-d’oeuvre. « Quand on pense recruter à l’international, ce n’est pas pour combler des postes à court terme, c’est pour combler des postes à moyen terme, de six à neuf mois, souligne Marie-Josée Chouinard. C’est très important que l’entreprise, au départ, ait une bonne idée de ses besoins de main-d’oeuvre pour l’année à venir, minimalement. »

 

Ensuite il faut cibler les postes à combler, car on recrute toujours à l’international pour des emplois spécifiques au sein de l’entreprise. « L’idée de recruter à l’étranger, c’est pour pourvoir des postes pour lesquels les personnes disponibles au Québec et détenant les connaissances suffisantes ne sont pas en nombre suffisant », précise Marie-Josée Chouinard.

 

À partir du moment où l’entreprise a fait ses devoirs et qu’elle démontre que ce n’est pas seulement une question de perception ou de compétitivité sur le marché de l’emploi, on peut enclencher le processus de recrutement international.

 

La construction, un secteur rempli d’embuches

Trois autorisations sont requises pour pouvoir accueillir un travailleur au sein d’une entreprise. D’abord, il faut procéder à une demande d’évaluation de l’impact sur le marché du travail. Celle-ci est effectuée par Services Canada. « Dans le même élan, on envoie une demande de certificat de sélection temporaire à Québec avec une déclaration de l’employeur. Il s’agit de la demande de l’information sur le marché du travail (IMT) », précise Maxime Lapointe, avocat spécialisé en droit de l’immigration.

 

Maxime Lapointe, avocat spécialisé en droit de l’immigration. Crédit : Jules Marcoux

 

Puis, une décision sera ensuite prise conjointement entre Services Canada et Immigration Québec. C’est seulement une fois ces étapes franchies que l’employeur peut demander un permis de travail. Selon son pays d’origine, le travailleur aura plus ou moins de difficulté à obtenir ledit permis. Pour certains pays, il faut s’y prendre plusieurs mois à l’avance, alors que pour d’autres, le processus est encore plus long puisqu’un visa est requis pour voyager. C’est notamment le cas dans plusieurs pays d’Asie et d’Afrique.

 

Bien que l’industrie traverse présentement une pénurie de main-d’oeuvre, l’immigration au Québec est un processus laborieux. « Il y a beaucoup de dédoublement de tâches, remarque Maxime Lapointe. Déjà, il faut envoyer une demande à l’un (Services Canada) et une seconde à l’autre (Immigration Québec). Ça pourrait être simplifié », croit-il. Un autre aspect qui alourdit le recrutement de travailleurs étrangers est le fait qu’un employeur doit répéter les mêmes procédures administratives pour chaque emploi à combler. Il n’est donc pas possible de faire une seule demande pour plusieurs emplois à combler, même s’il s’agit du même poste. « Quand on fait plusieurs demandes pour un même employeur dans la même année, on fait des demandes tous les deux mois », soupire-t-il.

 

Enfin, un des principaux freins au recrutement international pour le secteur de la construction est sans doute le fait qu’on cherche à combler des métiers qui sont hautement réglementés du point de vue de la certification des travailleurs. « Il s’agit d’un problème d’accréditation propre à l’industrie de la construction », soutient l’avocat.

 

La France, un bassin attrayant

Or, s’il y a bien un pays où l’immigration est facilitée, il s’agit de la France, en raison des arrangements de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles entre les deux pays. « C’est assez avantageux d’aller voir du côté de la France. Nous nous rendons régulièrement de l’autre côté de l’océan pour nos missions de recrutement », explique Marie-Josée Chouinard. Nul besoin de visa, non plus, pour voyager : simplement une autorisation électronique est nécessaire. Autre aspect intéressant : le travailleur français peut recevoir son permis au point d’entrée, ce qui évite les délais.