Gaz radioactif, incolore et inodore, le radon est loin d’être inoffensif. Chaque année, il tue près de 1 000 Québécois, affectés par un cancer du poumon. Heureusement, des solutions existent durant la construction pour réduire la présence de ce gaz meurtrier entre les murs des bâtiments.
Provenant de l’uranium naturellement présent dans la croûte terrestre, le radon se trouve dans le sol, partout à la surface de la Terre. À l’extérieur, ce gaz ne présente aucun danger, car il se dilue rapidement dans l’air ambiant. En revanche, s’il pénètre dans les bâtiments, il peut s’accumuler et atteindre des concentrations élevées dangereuses pour l’humain. Mais comment réussit-il à s’infiltrer dans les résidences ? Par les fissures dans la dalle de béton, les murs de fondation, les joints, les ouvertures des conduits d’évacuation, les vides sanitaires avec sol exposé et les puisards, notamment.
« Bien que le radon puisse être présent dans toutes les constructions nouvelles ou existantes, les bâtiments les plus à risque d’avoir une concentration élevée de radon sont ceux avec une dalle fissurée sans pare-air scellé ou un vide sanitaire ayant un sol exposé et ceux dépourvus d’un système de ventilation moderne bien équilibré. De plus, les bâtiments qui n’ont pas accès à un réseau d’aqueduc municipal de distribution d’eau potable et qui sont raccordés à un puits pour leur alimentation en eau peuvent être à risque, puisque le radon dissous dans l’eau peut se retrouver dans l’air par dégazage », indique Mark Donohue, ingénieur civil et vice-président Sciences du bâtiment et géo-environnement pour Le Groupe Gesfor Poirier, Pinchin, une firme de génie-conseil. En effet, dans le cas de bâtiments pourvus d’un puits d’eau domestique, les accessoires de plomberie, surtout ceux de la douche, du lave-vaisselle et de la laveuse à linge, peuvent constituer une voie d’entrée pour le radon.
Par la suite, ce gaz radioactif s’accumule principalement dans le sous-sol, qui est la pièce la plus basse et souvent la moins ventilée du bâtiment. « Le radon est plus lourd que l’air et va donc venir se déposer à l’étage inférieur du bâtiment », explique François Lalande, directeur du développement commercial chez Huntsman Building Solutions, un fabricant de revêtement aidant à réduire la présence du radon dans les bâtiments.
Des données alarmantes
La concentration élevée de radon qui pénètre dans les poumons avec l’air que l’on respire peut avoir de graves conséquences sur la santé. Au Québec, de 10 à 16 % des décès par cancer du poumon sont associés au radon, ce qui représente plus de 1 000 décès par année. Le risque de développer un cancer du poumon dépend de la concentration de radon, de la durée de l’exposition et des habitudes liées au tabac. Pour ce dernier facteur, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 60 % des morts surviennent chez les fumeurs, 30 % chez les anciens fumeurs et 10 % chez les non-fumeurs.
Préoccupée par ces données, la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) a rehaussé, en 2021, ses exigences en matière de construction dans le but de mieux protéger la population contre l’infiltration du radon. La RBQ a notamment réduit le seuil de concentration de radon maximale dans l’air de 800 à 200 becquerels par mètre cube (Bq/m3), soit plus de dix ans après la recommandation de Santé Canada. Malgré cette baisse, encore 18 % des demeures québécoises mesurées dépassent le seuil des 200 Bq/m3, ce qui expose les résidents au risque de développer un cancer des poumons. Et ce gaz n’échappe à aucun type de sol. En effet, bien que la concentration de radon dépende des conditions géologiques locales, de la température et de la pression atmosphérique, nous retrouvons du radon dans toutes les régions du Québec.
Des obligations pour les nouvelles constructions
Depuis 2021, le Code du bâtiment du Québec exige de la part des entrepreneurs l’installation d’un tuyau de départ sous la dalle de béton en contact avec le sol, en prévision de l’éventuelle mise en place d’un système d’atténuation du radon, et ce, pour toutes les constructions résidentielles neuves. « Dans ce système, le tuyau perforé sous la dalle est installé dans la couche de pierre concassée et raccordé à un tuyau de départ qui sort de la dalle. Ce tuyau dépasse de la dalle d’environ 12 pouces, est capé et est muni d’une étiquette pour indiquer qu’il est prévu pour un système d’atténuation du radon. Il est ensuite recommandé que le propriétaire effectue une mesure de la concentration en radon lors de la prochaine saison de chauffage, une fois le bâtiment occupé. Si la concentration dépasse la valeur limite de 200 Bq/m3, le propriétaire peut ensuite faire appel à un entrepreneur spécialisé en atténuation du radon et certifié PNCR-C pour raccorder le système de départ à un réseau de tuyaux scellés qui est installé à l’intérieur de l’espace occupé et qui permet d’acheminer le gaz vers l’extérieur du bâtiment. Ce réseau de tuyaux peut être passif ou bien actif si l’on y ajoute un ventilateur », explique Mark Donohue.
De plus, l’utilisation d’une membrane de protection sous les planchers du sol (un pare-air) est nécessaire pour empêcher le mouvement de l’air du sol vers l’intérieur du bâtiment et protéger les occupants contre les effets des gaz souterrains, dont le radon. « Ce n’est pas très dispendieux ni difficile de régler un problème de radon en construction neuve. Il s’agit seulement de concevoir ce système et de le mettre en place comme il le faut », explique François Lalande. Selon Mark Donohue, il reste toutefois beaucoup de travail à effectuer pour former les travailleurs à l’installation de ces systèmes servant à évacuer le radon. « Si l’installation est inadéquate, il y a moyen de la corriger après la construction de l’immeuble ». Toutefois, cette correction risque de coûter plusieurs milliers de dollars.
Le radon, pas dangereux pour les travailleurs
Les travaux d’installation sont sans danger pour les travailleurs. « La présence de radon affecte les occupants, pas les travailleurs. Pendant la construction, il n’y a pas de murs, l’espace n’est pas clos et il y a des échangeurs d’air. De plus, la durée d’exposition du travailleur est courte et la concentration n’est pas si importante », explique François Lalande. Concernant la concentration de radon, il est impossible de la mesurer de manière fiable durant les travaux. Pour connaître cette information, il faut utiliser un appareil appelé dosimètre pendant une période d’au moins trois mois après la construction du bâtiment. Cet appareil devrait être placé dans un espace occupé par une personne plus de quatre heures par jour, au plus bas niveau du bâtiment.
Un besoin de conscientisation
De plus en plus de donneurs d’ouvrage tiennent compte du radon dans leurs devis et prévoient des systèmes pour traiter ce gaz, affirme Mark Donohue. « Je vois maintenant des institutions publiques lancer des appels d’offres qui exigent une gestion du radon. Cette question est prise au sérieux par les donneurs d’ouvrage. » Néanmoins, il reste un travail de conscientisation à faire auprès des entrepreneurs, mais également auprès de la RBQ, croit François Lalande. « Il y a un manque de sensibilisation sur le sujet. De plus, il n’y a pas beaucoup de surveillance de la part de l’organisme concernant l’installation de systèmes pour évacuer le radon », se désole-t-il.
Les nouvelles exigences provinciales et les campagnes publicitaires lancées par les autorités publiques ces dernières années démontrent néanmoins une préoccupation grandissante concernant les effets néfastes du radon.
La concentration moyenne de radon dans les sous-sols est d’environ 35 Bq/m3. Toutefois, les concentrations peuvent parfois atteindre jusqu’à 1 000 Bq/m3. Si la concentration dépasse 600 Bq/m3, le résident devrait apporter des correctifs dans un délai de moins d’un an. Si celle-ci se situe entre 200 Bq/m3 et 600 Bq/m3, l’occupant devrait corriger la situation dans un délai de moins de deux ans.
Cet article est tiré du Supplément thématique – Santé et sécurité 2023. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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