De par la nature de leur travail, les travailleurs de la construction font souvent les frais des événements météorologiques extrêmes. Il existe toutefois une panoplie de mesures pouvant être mises en place pour assurer le bien-être et la sécurité des employés.
En 2022, l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité au travail publiait une étude visant à identifier les travailleurs les plus vulnérables face aux bouleversements du climat. Parmi les 50 professions à risque élevé en lien avec l’augmentation des périodes de fortes chaleurs se trouvaient plusieurs métiers de la construction, notamment les charpentiers-menuisiers, les briqueteurs-maçons, les couvreurs et les monteurs de lignes, des emplois qui se pratiquent souvent à l’extérieur.
Envisager les multiples conséquences
La conseillère scientifique spécialisée à l’Institut national de santé publique du Québec, Ariane Adam-Poupart, qui a participé au projet de recherche, répertorie cinq dangers qui peuvent affecter la santé et la sécurité des travailleurs. Le plus connu est les épisodes de chaleur extrême, qui se font plus nombreux et débutent souvent plus tôt au printemps. Ils peuvent engendrer des coups de chaleur, et parfois même des décès. La littérature scientifique montre qu’il y aurait aussi davantage d’accidents de travail durant ces périodes, les températures élevées pouvant réduire la vigilance. Un phénomène exacerbé par de mauvaises nuits de sommeil si le travailleur habite un logis non climatisé.
Parmi les autres menaces figure l’augmentation de la fréquence et de la sévérité des événements météo extrêmes, comme les pluies torrentielles qui peuvent entraîner des glissements de terrain et de machinerie ou les forts vents qui rendent plus périlleuse la levée de charges ou la manipulation de grues. Mentionnons aussi la présence accrue d’insectes qui transmettent des zoonoses telles que le virus du Nil occidental ou la maladie de Lyme, cette dernière mettant à risque les personnes qui travaillent dans des herbes hautes peuplées de tiques. Enfin, les changements climatiques augmentent l’exposition aux rayons UV et à une mauvaise qualité de l’air, par exemple lors de feux de forêt.
Agir sur plusieurs fronts
Plusieurs initiatives peuvent être déployées pour minimiser les risques, qu’il s’agisse de mesures administratives ou d’ingénierie. Pour ces dernières, Ariane Adam-Poupart donne l’exemple d’une amélioration de la ventilation, à l’intérieur comme à l’extérieur. Une suggestion aussi relayée par Annie Landry, qui évoque l’exemple d’un chantier fermé par la CNESST en raison de la fenestration qui créait une chaleur insupportable dans l’édifice.
« Quand ce sont des fenêtres de tours de bureaux qui ne s’ouvrent pas, il n’y a pas de circulation d’air. C’est un four. C’est le genre de chose à réfléchir : installer rapidement la ventilation dans les bâtiments parce que ça va vite devenir intenable », illustre la directrice du Service de la santé et de la sécurité à la Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec. Pour ceux qui travaillent à l’extérieur, l’aménagement de lieux de repos à l’ombre ou l’accès à des roulottes climatisées aideraient à réduire l’impact des canicules.
Du côté des mesures administratives, une solution serait de réorganiser les horaires, en prévoyant un quart de travail débutant très tôt le matin suivi d’une longue pause sur l’heure du midi quand le soleil est à son zénith. Les employeurs auraient aussi intérêt à alléger les tâches et planifier plus de temps d’arrêt. « Mais si l’employeur demande que les gens prennent plus de pauses, qu’ils prennent soin d’eux et qu’ils respectent leurs limites, il faut que la charge de travail et les deadlines soient modifiées aussi », met en garde Annie Landry.
Ariane Adam-Poupart estime qu’il faudrait aussi songer à acclimater les ouvriers, car les effets des canicules sont plus importants quand ces derniers n’y sont pas habitués. « Un 30 degrés en été va probablement être moins délétère — parce que les travailleurs sont déjà acclimatés à l’exposition à la chaleur — qu’un 30 degrés qui survient en avril », souligne-t- elle. Selon la scientifique, les personnes qui en sont à leur première journée de travail ou qui reviennent de vacances sont également à risque; il pourrait être judicieux de les intégrer graduellement pour permettre à leur corps de s’adapter.
Revoir l’équipement de protection
De l’avis des deux intervenantes, une réflexion s’impose relativement à l’équipement que portent les travailleurs. Difficile d’écarter les bottes et le casque sur un chantier, mais le dossard, qui ajoute une couche supplémentaire, pourrait être omis lorsque moins utile. Autres idées : fournir des vêtements en tissus légers et respirants et s’assurer que les travailleurs ont accès à de l’eau fraîche. Évidemment, un travailleur exposé aux tiques doit porter des vêtements qui couvrent adéquatement son corps. Ariane Adam-Poupart croit que les employeurs pourraient mettre à la disposition des ouvriers des douches, une occasion de s’examiner et de déloger au besoin les insectes qui se seraient accrochées à la peau. Et fournir de l’insectifuge, en plus de la nécessaire crème solaire !
Qu’il s’agisse de maladies transmises par les insectes ou de symptômes d’un coup de chaleur, former et sensibiliser les travailleurs s’avèrent évident. Mais l’initiative vient avant tout des entrepreneurs, qui doivent s’intéresser aux changements climatiques, car les événements extrêmes ne sont plus isolés. « Il faut que l’employeur et le maître d’oeuvre aient toujours en tête “quand je suis à telle phase de développement, c’est quoi mes risques, qu’est-ce qu’il faut que j’adapte”. C’est ça qu’il faut avoir en tête », résume Annie Landry.
Selon Annie Landry, médecins et pharmaciens devraient eux aussi penser aux canicules. C’est que plusieurs maladies ou traitements ont un impact sur la résistance du corps à la chaleur. Par exemple, des médicaments pour des problèmes cardiaques ou de l’hypertension peuvent réduire la capacité de l’organisme à produire de la sueur, essentielle à son refroidissement. Fournir l’information et les mises en garde nécessaires « devrait être systématique quand on sait que c’est une personne qui travaille à l’extérieur », insiste-t-elle.
Cet article est tiré du Supplément thématique – Santé et sécurité 2024. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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