Même si Montréal compte peu de terrains disponibles, le potentiel de développement économique demeure énorme et offre des opportunités alléchantes aux promoteurs et aux entrepreneurs. Montréal, ville saturée ? Loin de là !
Au fil des ans, la métropole s’est transformée et des terrains ont changé de vocation laissant à l’abandon, notamment, des hangars désaffectés, des espaces industriels et des stationnements inutilisés. « Un terrain non disponible n’est pas nécessairement non développable. Souvent, nous allons catégoriser ces terrains comme vacants ou sous-développés, mais ça ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas changer d’usage et y avoir des développements immobiliers », observe l’économiste Jean-Philippe Meloche, directeur de l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage à l’Université de Montréal.
L’urbaniste Michel Rochefort, également professeur au Département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal, abonde dans le même sens. « Il y a un potentiel énorme de terrains à réoptimiser ou à redévelopper. C’est ce que l’on appelle construire la ville sur la ville. Comme Montréal est une ile et qu’il y a donc une bordure que l’on ne peut pas dépasser, cela nous force à réfléchir autrement et à optimiser ces terrains », explique-t-il.
Cette optimisation des terrains est capitale dans le contexte actuel, où le manque de logements est criant à Montréal. Constatant cette forte demande, des propriétaires cherchent à changer la vocation de leur terrain pour y construire des multilogements ou des tours à condos de plusieurs étages depuis déjà un certain temps. Par exemple, des infrastructures industrielles inutilisées dans le centre de la ville pourraient laisser place à des immeubles à logements. D’autant plus qu’il s’agit du secteur au plus fort potentiel de développement immobilier. « Les terrains qui valent plus cher sont situés au centre de la ville, puisque c’est l’endroit le plus accessible. Il y a un potentiel de redéveloppement énorme dans ce secteur », affirme Jean-Philippe Meloche.
Toutefois, des propriétaires font face à des contraintes règlementaires. En effet, selon ce spécialiste en économie urbaine, des terrains pourraient être redéveloppés, si ce n’était des règlements qui les en empêchent. Par exemple, à certains endroits, le développement est restreint aux bâtiments unifamiliaux détachés.
De plus, le syndrome du « pas dans ma cour » fait, à l’occasion, avorter des projets de construction. « Des promoteurs veulent construire des tours parce qu’ils savent qu’ils vont vendre tous les logements, mais les voisins n’en veulent pas à côté de chez eux et bloquent le projet », souligne-t-il. Le manque de main-d’oeuvre et les couts élevés des matériaux constituent d’autres obstacles qui ralentissent le développement immobilier.
Pourtant, Montréal doit trouver des solutions pour construire davantage de logements afin de pouvoir loger sa population et éviter qu’elle quitte pour les banlieues. « Montréal est une ville attractive. Elle n’est pas en dévitalisation et les gens ne fuient pas cette ville. Mais si elle n’est pas capable d’absorber sa croissance, ses résidents vont inévitablement aller vers la périphérie. »
Selon lui, si les promoteurs pouvaient construire des logements avec le nombre d’étages nécessaires plutôt que d’être limités, par exemple, à trois ou à quatre étages, cela réduirait le nombre de résidents, tels les immigrants et les jeunes familles, qui quittent Montréal pour les banlieues.
« L’avenir, c’est une ville plus dense »
De son côté, Michel Rochefort ne croit pas que les projets de tour ou ceux à forte densité sont nécessairement la solution. « L’avenir, c’est une ville globalement plus dense, mais pas extrêmement plus dense. Certains quartiers centraux sont très denses, pourtant ce sont des immeubles de trois étages et les gens s’y plaisent bien. »
Il y a la hauteur, mais il y a aussi la superficie. Pour Michel Rochefort, il ne faut pas faire rimer « densifié » avec petits logements. Rien ne justifie, selon lui, que la majorité des condos à Montréal soient de 600 pieds carrés. « Montréal a énormément d’espace et l’on peut construire plus grand à couts raisonnables si l'on réfléchit tous les projets collectivement. »
À l’heure actuelle, il est toutefois difficile d’imaginer des logements de bonne dimension à des couts raisonnables. Pourtant, il faut, selon lui, trouver des façons de faire pour permettre à la population de rester locataire à bon cout, mais aussi pour donner un meilleur accès à la propriété à ceux qui le veulent.
Réfléchir, avant tout
Avant d’amorcer une densification urbaine, il faut avant tout avoir une vision globale, un plan, prévient Michel Rochefort. « La première question, ce n’est pas de se demander quelle densité l’on veut, c’est plutôt de savoir quelle ville veut-on. Après, on fera les choix en conséquence. » Ce dernier constate que la densification est souvent associée à l’aménagement d’espaces publics et de parcs. Or, les gens oublient souvent les infrastructures sportives et les écoles. « Les professionnels et les promoteurs doivent être agiles et être capables de réfléchir à l’écosystème urbain plutôt qu’à un projet », souligne l’urbaniste. Celui-ci ajoute que les développeurs doivent prendre en compte les questions liées au développement durable et à l’écologie.
S’il faut densifier pour répondre à la croissance démographique, il faut aussi le faire, selon lui, pour rentabiliser les investissements publics effectués, par exemple, dans les écoles primaires et secondaires, les aqueducs, les égouts, le métro et les autobus.
L’avenir nous dira quel choix Montréal fera en matière de densification urbaine. Par contre, une chose est certaine, selon Jean-Philippe Meloche, la métropole ne peut pas se permettre le statu quo. « Les villes se construisent, se reconstruisent et sont en constante transformation. Le danger, c’est quand rien ne bouge. Dans ce cas, nous ne pourrions plus absorber la croissance. Nous ne pouvons pas juste mettre une cloche de verre sur la ville et dire qu’elle va rester comme ça », termine-t-il.
Montréal pourrait s’inspirer de l’écoquartier Bo01, à Malmö, en Suède, qui représente une belle réussite de densification urbaine. Construit dans un ancien quartier industriel et portuaire, l’endroit regroupe des maisonnettes superposées dans des bâtiments de cinq à six étages ainsi qu’une gigantesque tour de 54 étages, appelée la Turso Tower. Toujours en Suède, l’écoquartier Hammarby Sjöstad à Stockholm a également été construit sur une friche industrielle et portuaire. Des magasins, des cafés et des restaurants y ont été construits au rez-de-chaussée des immeubles, tandis que les écoles, les cliniques et les banques notamment sont situées le long du boulevard central, près des appartements et des transports en commun afin de favoriser les déplacements à pied ou à vélo.
Cet article est tiré du Dossier régional – Montréal 2022, accessible gratuitement ici.
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