Pour une gestion proactive des infrastructures en eau

15 juillet 2022
Par Aurélie Beaupré

Chaque année depuis 2014, le Centre d’expertise et de recherche en infrastructures urbaines (CERIU) publie le rapport Portrait des infrastructures en eau des municipalités du Québec (PIEMQ). Celui-ci permet de connaitre l’état global de ces installations et l’envergure des travaux qui devront être réalisés à travers la province dans les prochaines années.

Ce rapport, réalisé grâce à la participation financière du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation, est fondé sur des données recueillies auprès de 865 municipalités ayant fourni une évaluation de leur réseau d’infrastructures d’eau linéaires et 884 municipalités ayant fourni des informations concernant leurs infrastructures d’eau ponctuelles. Les données sont ensuite standardisées et évaluées par le CERIU.

 

Mais pourquoi s’intéresser particulièrement aux infrastructures en eau ? « Les infrastructures en eau sont souvent oubliées. Pourtant, il s’agit d’actifs très importants en termes de valeur. Juste les conduites valent approximativement 117,5 milliards de dollars (G$) », note Marc Didier Joseph, ingénieur et directeur du projet du PIEMQ, lorsqu’il explique les raisons ayant poussé la création de ce rapport. En effet, les actifs en eau comprendraient environ 98 345 kilomètres (km) de conduites souterraines et 9 902 ouvrages évalués, pour leur part, à 25,9 G$.

 

Le spécialiste ajoute : « L’objectif est d’avoir un portrait actuel, mais aussi d’évaluer les besoins financiers, à long et à moyen terme, pour remettre à niveau ces actifs. » La participation au rapport permet aux 868 municipalités qui partagent leurs données avec le CERIU de projeter les couts et les investissements estimés pour la réfection de leurs infrastructures en eau et, ainsi, de mieux prévoir leur budget pour la réalisation de ces travaux.

 

Des travaux en perspective

En comparant ses résultats avec l’année précédente, le CERIU a pu constater une légère amélioration de l’état physique des conduites d’eau potable québécoises. Les travaux réalisés depuis 2015 auront permis de réduire la proportion des actifs à risque de défaillance élevé et très élevé, et ce, même lorsqu’on prend en compte la dégradation des conduites résultant de nouveaux bris. En ce qui concerne les conduites d’égout, l’évolution de l’état entre 2020 et 2021 semblerait stable, bien que les municipalités ayant mis à jour leurs données ayant trait à leurs infrastructures en eau auraient fait état d’un plus grand nombre de conduites inspectées à risque de défaillance élevé et très élevé au cours des dernières années. Ainsi, les travaux réalisés et compilés dans le cadre de ce rapport auraient suffi pour contrer l’effet de la dégradation, sans toutefois diminuer significativement la proportion des actifs présentant un plus grand risque de défaillance.

 

Marc Didier Joseph, ingénieur et directeur du projet du Portrait des infrastructures en eau des municipalités du Québec. Crédit : Gracieuseté

 

« Près de 610 km de conduites d’eau potable ont fait l’objet de travaux subventionnés entre 2015 et 2020. Malgré cela, l’état des infrastructures en eau reste stable. On remarque donc qu’il faudrait quand même continuer à investir pour arriver à résorber la proportion d’infrastructures qui sont en mauvais état ou en très mauvais état. Bien que des efforts soient faits au niveau municipal pour le maintien des actifs, il faudra adopter un rythme plus soutenu de réalisation de travaux pour éviter l’augmentation des couts des travaux ou les interruptions de services », remarque Marc Didier Joseph.

 

À ce jour, 18 % des infrastructures en eau des municipalités participantes seraient à risque de défaillance élevé ou très élevé, ce qui représenterait un investissement total de 33,6 milliards de dollars. « Les travaux pourraient cependant couter moins de 33,6 milliards, si certaines interventions consistaient en des travaux de réhabilitation, et non de remplacement », souligne l’ingénieur. Celui-ci fait aussi remarquer que, en raison des changements climatiques, ce chiffre pourrait éventuellement augmenter : « On a actuellement une bonne idée de l’état physique des conduites. Toutefois, en ce qui concerne l’état fonctionnel, c’est plus difficile à prévoir. Les changements climatiques, par exemple, peuvent accroitre le débit des conduites en raison des fortes pluies. Les capacités des infrastructures pourraient, dans ce cas, être atteintes plus rapidement que prévu. » Dans tous les cas, le rapport nous permet de remarquer que ces infrastructures auront besoin d’amour dans le courant des prochaines années.

 

Une attention particulière devrait aussi, toujours selon le CERIU, être accordée aux infrastructures à risque de défaillance modéré, plus particulièrement aux conduites d’eau potable. Ainsi, leur durée de vie serait prolongée, et ce, selon le meilleur rapport qualité-prix. Ces infrastructures se détérioreraient généralement plus hâtivement, les faisant passer rapidement d’un risque de défaillance modéré à un risque de défaillance élevé.

 

Sans oublier la voirie

Parmi les 33,6 G$ nécessaires au remplacement des infrastructures à risque de défaillance élevé ou très élevé, 19,8  $ concerneraient la réfection de la chaussée se trouvant au-dessus des conduites, 5,9 G$ les conduites d’eaux usées, 4,7 G$ les conduites d’eau potable. « Les chaussées doivent donc elles aussi être ciblées. Leur durée de vie est beaucoup plus courte que celle des conduites et leur mauvais état peut réellement les impacter », estime le spécialiste. À l’instar du rapport 2020, ces infrastructures sont généralement considérées comme en bon état, à l’exception de la voirie au-dessus des conduites souterraines, dont l’état est considéré comme acceptable.

 

« On a un parc d’actifs très important, souligne Marc Didier Joseph. On parle de 100 000 km de conduites et de 10 000 ouvrages. » Le plus important, selon lui, est de ne pas reporter les travaux nécessaires afin d’assurer la pérennité de ces services et d’éviter l’augmentation du cout des travaux requis. « L’intervention proactive, c’est ce qui permet d’avoir une bonne gestion d’actifs et d’anticiper les problèmes », conclut-il.

 

LA PARTICIPATION DES MUNICIPALITÉS : UN ÉLÉMENT ESSENTIEL

La banque de données du Portrait des infrastructures en eau des municipalités du Québec permet d’améliorer la connaissance de l’état des actifs en eau du Québec. Beaucoup d’efforts sont consacrés annuellement pour l’entretien des infrastructures en eau en vue d’assurer leur pérennité. Avec la collaboration des municipalités, la banque de données offre un portrait qui se bonifie au fil des années et partage des informations. Le rapport, présenté par le CERIU, permet ainsi de connaitre l’impact des différentes mesures entreprises ainsi que l’évolution de l’état des infrastructures en eau de la province.