Devant le défi de gestion des eaux de ruissellement, la Société immobilière du Canada (SIC) a opté pour une solution écologique et innovante.
En 2007, après le déménagement des activités de Postes Canada, la Société immobilière du Canada a hérité d’un site de 9,6 hectares le long du canal de Lachine, dans l’arrondissement Sud-Ouest de Montréal. Le mandat consistait à préparer le terrain en vue d’un développement immobilier compact, tout en mettant en valeur les vestiges archéologiques de l’ancien « port intérieur », notamment les murs maçonnés des bassins.
Si la densité urbaine est souhaitable sur le plan environnemental, elle occasionne néanmoins certains défis comme la gestion des eaux de ruissellement. Faute de sols perméables où s’infiltrer, l’eau de pluie demeure en surface et chemine vers des infrastructures municipales qui peinent de plus en plus à les transporter et à les traiter. Dans le Sud-Ouest particulièrement, certaines sections du réseau d’égout ont plus de 100 ans. La Ville de Montréal a donc exigé que les rejets d’eau dans le système municipal soient limités à 35 litres à la seconde par hectare desservi.
D’autre part, Parcs Canada, qui gère le canal de Lachine, désigné lieu historique national du Canada, accepterait l’eau sans égard au volume, à condition toutefois que sa qualité soit exemplaire. Pour cause, la pluie qui lessive les sols pavés se charge de sels de déglaçage et de particules provenant des gaz d’échappement des voitures.
AXOR Experts-Conseils, une firme de génie spécialisée dans les infrastructures, a eu le mandat d’élaborer la solution, tout en satisfaisant les critères du Conseil du bâtiment durable du Canada afin d’obtenir la certification LEED pour l’aménagement des quartiers, exigée par la SIC. « L’aire de drainage n’est pas immense, 7 500 mètres carrés environ, mais elle est très imperméable puisque la majorité des surfaces seront, à terme, soit bâties ou pavées », résume Denis Courchesne, vice-président de la Division Infrastructures urbaines et associé chez AEC.
La proposition : diriger l’ensemble des eaux de pluie de l’emprise publique vers un bassin de biorétention de 1 800 mètres carrés situé au coeur du site, en bordure du canal. « L’approche n’est pas complètement nouvelle, dit Denis Courchesne. Ce qui est unique ici, c’est l’envergure : il n’y a pas de comparables documentés en contexte nordique. »
L’ouvrage permet d’absorber, de nettoyer et d’infiltrer toutes les pluies de 25 millimètres et moins. Les fortes pluies attribuables aux épisodes exceptionnels, ceux dont la récurrence projetée se situe entre une fois aux deux ans et une fois aux 25 ans, sont dirigées vers le canal de Lachine, après rétention. Les pluies d’une intensité supérieure sont orientées en surverse vers le canal de Lachine, également.
Sept mille cinq cents mètres carrés de terrain sont ainsi desservis, acheminant l’eau vers une unité de prétraitement, qui retient les substances flottantes et sédiments grossiers. L’eau est ensuite admise dans l’ouvrage de biorétention dont l’emprise au sol correspond à celle du bassin no 3. L’aménagement forme une dépression dans le terrain, et un substrat de paillis de cèdre planté de 29 000 végétaux indigènes agit comme biofiltre, en absorbant les contaminants, avant de permettre l’infiltration en profondeur.
Lors d’épisodes de précipitations intenses, un regard sert comme trop-plein lorsque la quantité de pluie atteint 25 millimètres et comme régulateur de débit afin de limiter le volume excédentaire dirigé vers le canal de Lachine. Puisque les sols gelés ne permettent pas d’absorber les précipitations et les eaux de fonte aussi efficacement, le système est conçu avec un mode hivernal. Le substrat agit alors comme matière filtrante, mais un drain orienté vers le canal de Lachine et muni d’une vanne est laissé ouvert et constitue un passage de moindre résistance lors d’une fonte importante.
Par ailleurs, la firme Civiliti a été sollicitée pour peaufiner les aspects paysagers et identitaires du projet : mettre en valeur les vestiges patrimoniaux, souligner le thème de l’eau, ouvrir l’espace public sur le canal et fournir un lieu public agréable tout en protégeant la surface du bassin de la foulée des usagers. On leur doit le design des quais et d’une passerelle de bois pour circuler sur le bassin, et la conception des grilles de fontes pour les caniveaux, fosses d’arbres, mobilier urbain et plantations ornementales.
Une topographie aménagée sur mesure
Les infrastructures de drainage ont été réalisées de juin 2012 à août 2013. Suivant la décontamination, les sols remaniés ont été redistribués afin de constituer un bassin versant dont le point le plus bas correspond à l’ouvrage de biorétention. Les rives du canal Lachine n’ayant pas été étanchéisées avec soin lors de sa construction, la nappe phréatique y est peu profonde, ce qui contraignait les concepteurs à transporter l’eau pratiquement en surface.
Afin que le liquide puisse circuler par gravité jusqu’au bassin, ces derniers ont opté pour l’aménagement de caniveaux de surface ainsi qu’en tranchée plutôt que des puisards conventionnels, logés trop profondément dans le sol. En dépit de cela, le niveau de la rue a dû être rehaussé par rapport aux prévisions initiales.
Puisque leur altitude inférieure à la chaussée ne permet pas l’écoulement vers les caniveaux de surface, les cinq allées piétonnes reliant la rue Basin à la promenade le long du canal sont équipées de tranchées drainantes souterraines individuelles. Un régulateur de débit contrôle le volume d’eau acheminé vers l’égout municipal lorsque l’infiltration ne suffit pas.
Afin de valider la capacité d’absorption du bassin et d’apaiser les craintes des autorités municipales, AEC a réalisé deux mises en eau simulant des pluies intenses, en octobre 2013. Au moyen de bornes d’incendie, 150 mètres cubes d’eau ont été déversés en une heure sur la rue Basin, soit l’équivalent de 25 millimètres de précipitations. L’exercice a démontré la fiabilité du système, qui a absorbé le volume total en six heures, la première fois, et en sept heures, le surlendemain.
« Le bassin est très performant, même au-delà des calculs, dit Denis Courchesne. On sait qu’il y a une réserve et une marge de manoeuvre. La mise en eau a contribué à convaincre les différents intervenants qu’il s’agit d’une stratégie efficace. » Seul bémol : le paillis de cèdre. Bien qu’il ait été choisi pour son poids, ce dernier flottait lors des tests. Quatre années plus tard, on constate que la croissance des végétaux maintient fermement en place le paillis de cèdre.
Un suivi réalisé à l’aide de deux appareils de lecture de débit ainsi que des analyses de la qualité de l’eau, répétées deux fois l’an, confirment ce succès. Denis Courchesne aimerait d’ailleurs que le bassin serve d’outil-école pour des universitaires qui souhaiteraient documenter le procédé à plus long terme.
Bien qu’il soit ravi des performances observées, l’ingénieur éprouve aujourd’hui une certaine appréhension puisque l’heure est venue de céder l’ouvrage à la ville : « C’est un équipement qui a besoin d’amour, dit-il. Il faut tailler les plantes et éviter le colmatage du biofiltre sous l’effet de la sédimentation, ça demande de la surveillance et de l’entretien. » Jusqu’à aujourd’hui, l’opération était sous la responsabilité de la SIC, et le bassin sera rétrocédé à la Ville de Montréal au printemps 2017.
Les lots exploités par les promoteurs immobiliers sont soumis aux mêmes critères de drainage que les terrains de l’emprise publique. L’espace souterrain étant majoritairement alloué au stationnement, peu de surface demeure disponible pour permettre l’infiltration. Rachel Julien et Prével ont tous deux opté pour une stratégie de rétention et d’évaporation. De vastes bassins ornementaux peu profonds exposent un maximum de surface pour dissiper l’eau. ils agissent ensuite comme régulateurs de débit afin de respecter les volumes admis dans le système municipal.
Cet article est tiré du Supplément thématique – Infrastructures et grands travaux 2017. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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