Concevoir un bâtiment répondant à la fois à des normes de sécurité précises et aux besoins des usagers, en plus de viser la certification LEED Or. Voilà le défi relevé par l'équipe derrière la nouvelle Caserne 59.
Entre la sonnerie « d’appel au combat » et le départ en trombe des camions-incendie, chaque seconde compte. C’est pourquoi le programme fonctionnel et technique de la caserne de pompiers numéro 59 de l’arrondissement Pierrefonds-Roxboro incluait un plan des locaux élaboré par le Service de la sécurité incendie de Montréal. La configuration des espaces y est telle que toutes les distances intérieures peuvent être franchies avec un minimum d’enjambées. « Tout est pensé de manière à minimiser le temps de déplacement entre chaque pièce et le garage », explique Mallory Conway, architecte chez Rubin et Rotman.
Pour les concepteurs, cette contrainte était assortie d’un mandat spécifiant l’atteinte de la certification LEED Or et un niveau de confort exceptionnel pour les pompiers, qui considèrent leur caserne comme une deuxième maison. « Avec l’accord du Service de sécurité incendie de Montréal, continue Mallory Conway, nous avons légèrement modifié la disposition des pièces de séjour pour profiter de la lumière naturelle et de la vue sur le boisé. »
Pour la collectivité, la caserne doit être visible à distance et sa vocation civile mise en évidence. C’est pourquoi un élément architectural chargé de sens, la tour, où l’on séchait autrefois les boyaux, a été intégré en prolongeant l’escalier principal pour aménager un accès de service au toit. Le bâtiment, inauguré en mars 2014, a coûté près de 6,5 millions de dollars.
Vision à long terme
Pour cumuler les crédits nécessaires à l’atteinte du niveau LEED Or, les concepteurs ont misé sur la mécanique du bâtiment. L’installation d’un système géothermique comportant huit puits, assorti d’équipements haute-performance, a permis de réduire les coûts énergétiques de 43 % par rapport au bâtiment de référence.
Compte tenu des économies d’énergie anticipées de 21 000 $ par année, la rentabilité de l’investissement du système sera inférieure à 20 ans. « La géothermie est un bon choix puisque les casernes sont conçues en fonction d’un horizon de 50 à 100 ans », explique Mathieu Lacharité, chargé de projet - bâtiment durable chez Cima+.
Selon lui, ce mode de chauffage est idéal pour un bâtiment occupé en continu et dont les conditions intérieures varient peu. L’air neuf est tempéré à l’admission grâce à la récupération de chaleur avant d’être réchauffé par un premier échange avec la géothermie. L’air est ensuite diffusé dans le bâtiment et amené à la température de consigne de chaque zone grâce à 13 thermopompes d’appoint installées dans l’entreplafond.
Dans la zone de garage, une dalle radiante branchée sur le système géothermique garantit un confort incomparable aux pompiers qui y travaillent, puisque l’inertie du béton lui permet de conserver sa chaleur lors du brassage d’air occasionné par les allées et venues des camions. En hiver, le chauffage d’appoint est assuré par des aérothermes au gaz naturel.
Sécurité civile oblige, les conduites de fluide caloporteur sont installées dans la dalle en quatre zones correspondant aux quatre baies de stationnement des véhicules. En cas de bris, les travaux de réparation peuvent être réalisés sans perturber les activités dans les autres baies. La dalle radiante prolonge par ailleurs la durée de vie du plancher en permettant à l’eau de pluie et de fonte des neiges de s’évaporer rapidement au lieu de s’infiltrer dans la dalle.
Quant à l'enveloppe, les murs sont constitués de panneaux de béton préfabriqués. Laissés à nu dans la partie garage, les panneaux présentant une résistance thermique de R22 ont été combinés dans la partie habitée avec un mur de conception classique avec colombages, polyuréthane giclé et gypse.
Milieu de vie
Les casernes de pompiers sont des bâtiments à vocation institutionnelle, mais l’espace est aussi utilisé comme lieu de vie. Durant toutes les 24 heures du jour et de la nuit, 48 pompiers, soit 12 par quart de travail, y travaillent, dorment et cuisinent, en plus de s'assurer du nettoyage et de l’entretien. Pour la finition intérieure, les matériaux stratifiés ont été délaissés au profit de panneaux massifs et de surfaces moins vulnérables aux manipulations énergiques et au nettoyage vigoureux.
Du côté de la gestion de l’eau, un élément de prime abord anodin a eu son importance dans l'équation. Les employés étant majoritairement des hommes, une économie d'eau était à prévoir par l'utilisation régulière d'un urinoir, qui consomme beaucoup moins d'eau qu'une toilette. Les projections de consommation totale, appuyées sur les statistiques de représentation des sexes parmi les pompiers, ont été reçues favorablement par le Conseil du bâtiment durable du Canada qui a accordé quatre points LEED pour les économies d’eau anticipées.
- Donneur d’ouvrage : Ville de Montréal
- Architecture : Rubin et Rotman architecte
- Architecture du paysage : Projet Paysage
- Ingénierie : Dessau (Stantec)
- Consultation LEED : Cima+
- Construction : Constructions Venne et Fils
Cet article est tiré du Supplément thématique – Bâtiment 2015. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
Ce sujet pique votre curiosité ? Lisez tous les articles du dossier BÂTIMENT 2015 :