Le nouveau complexe hospitalier serait le premier au Québec à intégrer l’approche participative Lean à l’étape de la définition du projet, une démarche qui comporte de nombreux avantages.
Classé au 39e rang des plus gros projets d’infrastructure au Canada en 2022 — quelques rangs devant celui de l’hôpital de Vaudreuil-Soulanges, au 43e —, le projet visant à regrouper sur un même site des activités de L’Hôtel-Dieu de Québec et celles de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus a débuté il y a une dizaine d’années.
La construction de type pavillonnaire se déroule en plusieurs étapes. Les bâtiments techniques sont les premiers à avoir été livrés en 2020 ; l’un héberge les génératrices, l’autre la centrale d’énergie qui assure le chauffage et la climatisation du site. La même année, la plateforme clinico-logistique a aussi été achevée dans le secteur industriel de Beauport ; elle fournit notamment les services alimentaires et la pharmacie. L’année 2021 marquait la fin du réaménagement de l’ancienne résidence pour aînés Maison Vilar, acquise pour être reconvertie en hôtellerie hospitalière. Le centre intégré de cancérologie accueille quant à lui des patients depuis mai 2022.
C’est cette année que seront prêts le centre de recherche et le cyclotron, ce dernier étant consacré à la production d’isotopes radioactifs essentiels à la médecine nucléaire. Le futur bâtiment de soins critiques (urgence, bloc opératoire, soins intensifs, etc.) est actuellement en construction et sa prise de possession est prévue vers 2026. Ne restera que la rénovation d’une partie de l’hôpital existant, qui devrait se terminer en 2029.
Consulter les usagers en amont
Avant même que ne démarre la construction, les responsables du projet ont eu l’idée d’intégrer la démarche Lean à l’étape de la conception. Des ateliers réunissant autant les professionnels (architectes, ingénieurs, etc.) que les cliniciens et les patients ont été organisés. L’objectif? Placer les travailleurs et les usagers au cœur des réflexions, notamment au chapitre des trajectoires. « La question des distances de parcours, c’est le nerf de la guerre dans un milieu hospitalier », expose Anne-Marie Blais, architecte associée à Groupe A. Surtout lorsque le site s’étend sur environ un kilomètre.
Les nouveaux bâtiments ont donc été pensés par pôle, de façon à ce que leurs utilisateurs se déplacent le moins possible : le pôle ambulatoire, le pôle des soins critiques et le pôle recherche. Également, les stationnements ont été construits en dessous des pavillons, parce que « lorsqu’on a un patient qui ne va pas bien, chaque pas est compté », illustre Anne-Marie Blais.
Autre belle réussite issue des ateliers Lean : l’aménagement du centre de cancérologie, où la clientèle reçoit désormais ses traitements de radiothérapie au rez-de-chaussée. « Les patients nous disaient que c’était extrêmement difficile de descendre dans le noir, au sous-sol, comme s’ils descendaient en enfer. Ils nous ont demandé s’il était possible d’avoir de la lumière dans le secteur de la radio-oncologie », relate Christine Mimeault, directrice générale adjointe au CHU de Québec-Université Laval. Résultat : les appareils médicaux demeurent dans une section bétonnée, mais les espaces de circulation et les salles d’attente sont fenestrés.
Orchestrer les ateliers n’était pas une mince tâche, cela a nécessité du temps, une présence sur place des participants et une solide organisation du travail afin de pouvoir dégager des consensus. « Ça prend de très bons animateurs ! », souligne Robert Topping, directeur général — Bureau des projets hospitaliers de Québec-centre à la Société québécoise des infrastructures. Le défi consistait aussi à intégrer les cultures respectives des deux établissements. « Les employés des deux hôpitaux ont collaboré pour créer un nouveau milieu et tirer le meilleur parti de leurs deux façons de travailler », résume-t-il.
Tester les concepts dans le réel
Une fois les plans et devis complétés, la participation des cliniciens a de nouveau été requise. Ils ont d’abord été invités à visionner leurs futurs locaux à l’aide de lunettes de réalité virtuelle. Puis, comme rien ne vaut le test du réel, des maquettes grandeur nature — d’une salle d’examen et d’une chambre par exemple — ont été construites en contreplaqué et en styromousse. Les professionnels de la santé pouvaient ainsi évaluer la superficie et l’ergonomie des lieux en y simulant leur travail quotidien, ce qui a permis aux concepteurs d’adapter les plans.
Sur le chantier, des échantillons d’ouvrage sont ensuite créés pour les locaux qui sont répétitifs, par exemple les 60 chambres de soins intensifs. Les ouvriers en font une première et y installent tous les équipements. Puis les soignants viennent les visiter pour discuter des réglages finaux : emplacement des prises de courant, hauteur de certains équipements, etc. Lorsque tous se sont mis d’accord, l’entrepreneur peut répliquer le modèle pour les 59 pièces restantes. « Si on avait fait le contraire [demander des modifications après la construction des 60 chambres], ça aurait pu être très dispendieux et engager des retards au projet. Donc cette façon de faire est très efficace dans les projets où il y a beaucoup de répétitions », fait valoir Robert Topping.
Inclure la communauté
Les voisins du nouveau complexe hospitalier ne sont pas en reste. Pour atténuer les impacts sur le quartier, il y a eu des analyses de gestion de vent, d’accumulation de neige et d’ensoleillement, ces dernières visant à ce que les bâtisses ne génèrent pas trop d’ombrage sur les résidences adjacentes. Des documents sont aussi envoyés pour informer les citoyens des travaux à venir — par exemple lors de coulées de béton —, une ligne téléphonique est mise à leur disposition pour recueillir leurs questions ou leurs plaintes, et des visites des bâtiments sont organisées, comme lorsque le cyclotron a été complété.
Pour finir, Anne-Marie Blais croit que le projet est vu de façon assez positive dans le quartier. « L’hôpital, c’est un peu le point de départ de la restructuration de ce secteur-là. On voit déjà des projets résidentiels se revitaliser sur le pourtour, et je pense que l’établissement espère que le commercial pourra aussi s’accrocher éventuellement. »
- Propriétaire : CHU de Québec-Université Laval
- Gestionnaire de projet : Société québécoise des infrastructures
- Architecture: Groupe A + DMG + Lemay + Jodoin Lamarre Pratte + NFOE + GLCRM architectes en consortium
- Ingénierie : CIMA+ et Stantec (civile et structure); AtkinsRéalis, Bouthillette Parizeau et Tetra Tech (mécanique et électrique)
- Gérance de construction : Pomerleau (Phase 1), Groupe Axor (Phase 2), Ambioner et Pageau Morel et associés (responsables de la mise en service)
- Autres membres : Englobe (études environnementales et contrôle de qualité); GHD (contrôle du bruit et des vibrations); WSP (études géotechniques); Deloitte; Arium Design (signalétique)
Cet article est paru dans l’édition du 16 mai 2024 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous.