Local 144 : allier construction, durabilité et écoresponsabilité

4 novembre 2022
Par Sandra Soucy

Le Local 144, premier bâtiment industriel LEED v4 platine au Canada, entre dans le cercle très fermé des bâtiments les plus performants sur le plan environnemental. Mais la conception du bâtiment, véritable salle de classe, permet aussi au projet de s’inscrire dans les annales.

Pour son nouveau siège social et centre de formation professionnelle implanté dans le parc industriel Pointe-aux-Trembles, le Local 144 a mis un point d’honneur à investir dans les avancées durables. Cet ensemble novateur et disons-le, d’exception, juxtapose d’une part un centre administratif et, de l’autre, un centre de formation tous deux reliés par une passerelle. Pour ce bâtiment doté de généreux espaces totalisant près de 4 418 m2, rien ne fut laissé au hasard, tant sur le plan de la conception que celui de la mise en oeuvre du projet, pour assurer le bien-être des occupants. Le coup d’envoi pour les travaux de construction du Local 144 a été donné le 18 mai 2019 avec une première pelletée de terre qui marquera le bon déroulement des travaux jusqu’à l’ouverture des nouveaux bureaux en septembre 2019.

 

Pour Sylvain Morissette, gérant d’affaires et secrétaire-financier pour l’Association unie — Local 144. Crédit : Stéphanie Chainé

 

Pour Sylvain Morissette, gérant d’affaires et secrétaire- financier pour l’Association unie — Local 144, dont la fierté n’a d’égal que le dévouement qu’il a porté à ce projet, le principal objectif qui a motivé la construction de ce complexe architectural était de démontrer à toute l’industrie qu’il était possible d’allier construction, durabilité et écoresponsabilité. Et c’est sans compter sa volonté d’offrir à ses membres un endroit de qualité des plus confortables.

 

« Le mandat était clair : concevoir un centre de formation le plus flexible et le plus à jour possible sans jamais perdre de vue la dimension durable, souligne l’architecte du projet, Alexandre Blouin de Blouin Tardif architectes. Le client avait une vision forte de son projet et cela faisait partie de la commande dès le départ. Nous sommes tous allés aussi loin que le client était prêt à aller. »

 

Alexandre Blouin, architecte du projet, de Blouin Tardif architectes. Crédit : Raphaël Thibodeau

 

Défi tenu et pari gagné pour ce bâtiment industriel qui a obtenu la note la plus élevée de la certification LEED qui distingue la performance environnementale d’une construction et d’un actif immobilier en exploitation. Le souci du détail et la qualité de l’exécution sont les traits dominants de cette réalisation qui a bénéficié d’une conception intégrée. « Il est tout à fait remarquable de constater l’esprit de coopération qui a régné tout au long des travaux, autant de la part des sous-traitants que du côté des professionnels et du client, fait remarquer l’architecte.

 

Tout le monde se parlait et tous étaient concernés par la qualité de la réalisation et de la coordination sur place. Alors, oui, la conception intégrée a été un élément important, mais la réalisation intégrée a de toute évidence optimisé les résultats du projet et a maximisé l’efficacité à toutes les phases de la conception, de la fabrication et de la construction. Participer à ce projet n’a été que du bonheur, alors que tout le monde tirait la corde dans le même sens. »

 

Faire école

En adhérant aux normes les plus poussées en matière de construction durable, le Local 144 fait la démonstration concrète de ce qu’il est possible d’atteindre en matière de performance environnementale au Québec. Le programme architectural retenu reflète bien la nature utilitaire du bâtiment tout en proposant un éventail de stratégies écoénergétiques et des mesures écologiques qui s’enchevêtrent dans le design du projet. Le pavillon qui abrite le centre administratif dispose de bureaux pour les représentants syndicaux et pour les services juridiques. Lumineux et chaleureux, il est construit autour d’un atrium central surmonté d’un imposant lanterneau et se démarque par sa structure de bois lamellé croisé.

 

Une structure en acier traditionnelle a été retenue pour le centre de formation qui comprend des classes d’enseignement et trois grands ateliers destinés à la formation des tuyauteurs et soudeurs de tuyauterie. Ce pavillon profite aussi d’un éclairage naturel au moyen de larges pans d’isolant translucide stratégiquement positionnés sur le mur sud. Ce système permet au bâtiment de bénéficier d’une lumière abondante tout en conservant une enveloppe performante.

 

Mais ce qui impressionne tout particulièrement, c’est la salle mécanique entièrement visible à travers une grande baie vitrée et qui peut aussi être visitée. Tout y est exposé, les systèmes de récupération d’eau comme les thermopompes, et ce, dans un environnement d’une propreté impeccable.

 

Martin Roy, ingénieur, LEED Fellow et président de Martin Roy et Associés. Crédit : MRA

 

« Cette particularité était une demande du client qui voulait bien mettre en évidence les installations électromécaniques afin que cette salle devienne un outil de formation en soi », explique Martin Roy, ingénieur, LEED Fellow, président de Martin Roy et Associés ayant participé au projet en tant qu’ingénieur mécanique/électrique. « Tout est agencé pour que l’on puisse bien comprendre le fonctionnement des systèmes mécaniques, et plus particulièrement les systèmes de plomberie. Ce fut une réelle opportunité de travailler en collaboration avec les plombiers du Local 144 pour développer un concept dont la mission est de répondre à leurs besoins de formation et qui, de surcroît, fait la démonstration que l’on peut concevoir un bâtiment très efficace, qui ne lésine pas sur le confort et qui utilise le moins de ressources possible. »

 

Des défis

Mais la conception d’un tel ensemble qui comporte des bénéfices indéniables n’est pas sans s’accompagner d’enjeux, et ceux encourus lors de la réalisation de ce projet sans pareil auront requis l’application de solutions des plus particulières. « Il y eut bien quelques défis, notamment quant à l’intégration de la structure de bois et à la qualité du béton, mais le plus gros d’entre eux concernait la toiture, relate l’associé chez BTA. Imaginez l’une des plus grandes surfaces de panneaux photovoltaïques au Québec — 430 pour être précis — sur un bâtiment industriel, qu’il fallait bien orienter et bien intégrer. Résultat ? Une toiture percée autant de fois qu’il y avait d’attaches des structures aluminium pour supporter les panneaux. Autant dire que la toiture était perforée de mille trous ! Inutile de préciser que la collaboration de l’Association des Maîtres Couvreurs du Québec fut d’un grand secours pour remédier à cette situation. »

 

L’architecture durable, les solutions d’ingénierie et une collaboration exceptionnelle de la part de tous les intervenants sont autant d’atouts qui font du Local 144 l’un des bâtiments les plus innovants au Canada et qui fait aussi belle figure sur le plan écoénergétique alors qu’il affiche une réduction de sa consommation énergétique de 81 % par rapport à la référence. « De nombreux facteurs contribuent à l’efficacité énergétique du bâtiment avec, notamment, l’utilisation conjointe de plusieurs innovations, telles que la géothermie, l’aérothermie et la récupération de chaleur provenant de la ventilation sur l’évacuation des hottes de captation pour la soudure, explique Martin Roy. Mais l’autre particularité de ce bâtiment, poursuit-il, tient à son système photovoltaïque qui produit entre 30 % et 35 % de son énergie avec ses panneaux sur le toit. Rares sont les projets de production locale d’énergie au Québec et l’ampleur de l’installation du Local 144 en fait une innovation et un leader dans le domaine. »

 

D’autre part, d’importants progrès dans la gestion de l’eau ont aussi été réalisés avec sa prise en compte de l’exploitation de l’eau pluviale. « Le système de récupération d’eau de pluie permet la récupération de 40 000 gallons par année, ce qui contribue à une réduction de 82 % de la consommation d’eau, fait savoir l’expert chez MRA. L’eau ainsi récupérée est utilisée pour alimenter les appareils sanitaires des deux bâtiments et pour faire l’irrigation du site. »

 

Nous sommes donc en présence d’un bâtiment qui consomme très peu d’énergie et qui ne produit pratiquement pas de gaz à effet de serre pour son exploitation, et les couts d’opération s’en voient réduits d’environ 80 %, ce qui est considérable pour un bâtiment dont la durée de vie est estimée à au moins cinquante ans.

 

Et de conclure Martin Roy : « Le principal défi que nous avons eu à relever aura été de bien mettre en oeuvre les systèmes, de les agencer correctement aux innovations et de pouvoir y parvenir à un cout acceptable. Je crois que tous ensemble, nous y sommes parvenus ». Le Local 144 aura été un très grand défi qui aura été relevé haut la main grâce à la contribution de tous ceux qui y ont participé !