Des projets d’infrastructures publiques à la tonne

17 juin 2024
Par Mathieu Ste-Marie

Complexe hospitalier du CHU de Québec, pont de l’île d’Orléans, Bibliothèque Gabrielle-Roy, Autoroute Henri-IV : les travaux dans les secteurs institutionnel et routier vont bon train dans la Capitale-Nationale. En revanche, les taux d’intérêt encore élevés viennent ralentir les secteurs commercial et résidentiel.

Une pluie d’investissements pour les infrastructures publiques s’est abattue sur la région dans les derniers mois. En décembre dernier, la Ville de Québec a annoncé une somme de 8 497,7 M$ de 2024 à 2033 pour le transport routier, la réfection de traitement des eaux usées et le développement de logements sociaux, entre autres, dans son Programme décennal d’immobilisations.

 

Le gouvernement Legault n’est pas en reste. Pas moins de 635 M$ seraient alloués en 2023-2024 dans les réseaux de transport routier de la région de la Capitale-Nationale selon une annonce faite l’an dernier par la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault.

 

Savoir s’adapter

Évidemment, ces investissements sont profitables pour les entreprises œuvrant dans la construction d’infrastructures publiques, un secteur qui attire de plus en plus d’entrepreneurs ces derniers temps. « Certains d’entre eux, travaillant ordinairement dans le domaine commercial ou résidentiel, se sont repositionnés vers le secteur institutionnel », observe Patrick Vallerand, président de l’Association des estimateurs et des économistes de la construction du Québec (AEÉCQ). En effet, les taux d’intérêt élevés ayant diminué l’appétit des investisseurs pour la construction de projets commerciaux et résidentiels, la construction dans ces secteurs est au ralenti. Récemment, le groupe immobilier Logisco a lancé deux nouveaux chantiers à Québec et à Lévis pour la construction d’immeubles locatifs. Mais rares sont les entrepreneurs qui ont pris ce risque.

 

En fait, plusieurs projets ont été mis sur la glace et d’autres ne verront probablement jamais le jour. « Aussi longtemps que les taux d’intérêt demeureront élevés, les investisseurs vont être frileux à lancer des projets de construction ou ils vont avoir de la difficulté à trouver du financement », explique Patrick Vallerand.

 

Dans la Capitale-Nationale comme ailleurs au Canada, la tendance des mises en chantier est en diminution par rapport à l’an dernier, tant pour les maisons que pour les condos ou les immeubles d’appartements. Rappelons qu’en 2023, ces mises en chantier avaient chuté de près de 40 pour cent (%) dans la grande région de Québec, selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement.

 

Une importante demande en habitation

Pourtant, la demande en habitation est énorme. Le taux d’inoccupation des logements locatifs est de 0,9 % à Québec, soit l’un des plus faibles taux depuis les quinze dernières années. Pour avoir un marché équilibré, le taux d’inoccupation devrait plutôt se situer autour de 3 %, estime la Ville.

 

Devant cette pénurie de logements, la Ville de Québec a déployé un plan comportant 20 actions afin d’augmenter le plus rapidement possible le nombre de logements disponibles. L’objectif est ambitieux : ajouter 80 000 nouveaux logements d’ici 2040.

 

Parmi ces actions annoncées cet hiver, Québec veut permettre l’aménagement d’une unité d’habitation additionnelle dans tous les secteurs résidentiels sur son territoire. Cette mesure visera notamment l’ajout d’un logement d’appoint.

 

« Il y a certains secteurs de la ville où le zonage ne permettait pas la construction de deuxième logement. Maintenant, les propriétaires peuvent le faire », explique Mylène Gauthier, directrice de la Division de la planification du territoire à la Ville de Québec.

 

En plus, la nouvelle mesure permettra la construction d’une maison de jardin dans la cour arrière d’une maison unifamiliale. Cette habitation d’environ 800 à 900 pieds carrés pourra accueillir des locataires ou loger un proche. « Nous sommes une des premières grandes villes à permettre cela », souligne Mylène Gauthier.

 

En attendant la baisse des taux…

Si la Ville de Québec veut atteindre ses objectifs, les taux d’intérêt doivent connaître une importante baisse. Plusieurs experts estiment qu’ils descendront en juin ou en juillet prochain lors d’une énième annonce de la Banque du Canada. Patrick Vallerand est optimiste pour les prochains mois.

 

« Lorsque les taux diminueront, l’activité va reprendre dans les secteurs commercial et résidentiel. La situation va se redresser dans la prochaine année. Actuellement, les investisseurs attendent le meilleur moment pour se lancer. »

 

Cette décroissance dans les secteurs commercial et résidentiel a au moins permis un ralentissement dans la demande de main-d’œuvre. « La pénurie de main-d’œuvre n’est pas chose du passé, mais la situation s’est stabilisée. Le défi est maintenant de maintenir le niveau d’employés dans l’industrie. Il y a un taux de roulement de main-d’œuvre de 10 à 20 %, car les gens changent de carrière ou quittent pour la retraite. Le défi est de continuellement renouveler le bassin de travailleurs. »

 

La pénurie de travailleurs ne s’est donc pas résorbée, mais la situation est loin d’être aussi criante qu’elle l’a été l’an dernier.

 

TRANSFORMER LES TOURS DE BUREAUX

Depuis la pandémie, plusieurs employés ont délaissé leur bureau pour travailler de la maison. Ainsi, les taux d’inoccupation n’ont jamais été aussi élevés dans les tours de bureaux. Il n’y a donc pratiquement plus de construction de ces immeubles. « Par contre, il y a des projets de réaménagement et de transformation des espaces de travail », note Patrick Vallerand.

De plus en plus de villes au Canada et aux États-Unis proposent de convertir les bureaux en logements afin d’augmenter le nombre d’habitations. La solution s’avère coûteuse, mais permettrait de répondre à deux problèmes : le taux d’inoccupation élevé des bureaux et le manque de logements.

Assisterons-nous à ce type de projet à Québec ou ailleurs dans la province ?

 


Cet article est tiré du Dossier régional – Capitale-Nationale 2024, accessible gratuitement ici.
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