Bien qu’il s’agisse d’un projet d’ingénierie assez classique, les travaux de réhabilitation du chemin de fer Québec Central doivent tenir compte de certaines caractéristiques régionales, dont les crues printanières et la présence d’amiante.
Le chemin de fer Québec Central (CFQC), qui relie sur 344 km Lévis à Sherbrooke et à Lac-Frontière, a été construit en 1869 notamment pour desservir les mines. Il a éventuellement été abandonné au profit du camionnage, avant d’être racheté par le ministère des Transports du Québec au milieu des années 2000. Ce dernier a décidé de réhabiliter les 109 km compris entre Lévis et Thetford Mines. « Il y a eu beaucoup d’interventions du milieu, des lettres d’intention des entreprises, qui nous ont dit qu’ils aimeraient avoir un retour du train […] pour permettre le développement économique », indique Charles Meunier, gérant du projet de réhabilitation du CFQC au ministère des Transports et de la Mobilité durable.
Une partie du projet est complétée, soit le tronçon situé entre Charny et Sainte-Marie, sur lequel circulent déjà des trains de marchandises. Pour le reste, les travaux de réhabilitation sont en cours et comprennent le remplacement de ponceaux et de la voie ferrée (sous-ballast, ballast, rails), la réfection de passages à niveau et la reconstruction de ponts ferroviaires. « Le Québec Central dans son état actuel – par exemple les rails – n’était vraiment pas adapté au transport moderne. Donc on refait tout à neuf avec les dernières normes qui sont applicables en Amérique du Nord », fait valoir Charles Meunier.
Faire une planification serrée
Sur le plan technique, la construction ne pose pas de problème particulier. Le principal défi réside dans l’ampleur de la réhabilitation conjuguée à son échéancier serré. Cette contrainte nécessite d’avoir une bonne vue d’ensemble, de bien planifier toutes les étapes et de s’assurer que les appels d'offres sortent au bon moment, selon le gérant du projet.
Ajoutons à cela le fait que l’expertise ferroviaire n’est pas très répandue au Québec, les ingénieurs spécialisés dans le domaine étant peu nombreux. « C’est une difficulté qu’on a parce qu’on fait affaire avec beaucoup de firmes de conception, mais elles n’ont pas énormément de personnel. Il faut bien planifier le temps que ça va nous prendre pour obtenir des plans, par exemple », révèle Charles Meunier.
Tenir compte des changements climatiques
La reconstruction du pont ferroviaire à Vallée-Jonction représente le chantier le plus important du projet. La structure avait été endommagée à la suite des inondations du printemps 2019 et sa conception a dû être repensée pour tenir compte des crues printanières de la rivière Chaudière et, plus globalement, des changements climatiques. Résultat : le pont sera rehaussé et il enjambera l’ancienne rue Jean-Marie-Rousseau, qui deviendra un chemin piétonnier et cycliste puisque la faible hauteur du pont ne permet pas le passage des automobiles sous la structure.
En date du début septembre, la pose des piliers dans la rivière était toujours en cours. Il est prévu que l’ouvrage soit terminé en mai 2025. D’ici là, la Ville de Vallée-Jonction doit faire coïncider ses propres chantiers avec ceux du Ministère, notamment le remplacement de tuyaux d’aqueducs. La municipalité a aussi dû mettre en place une mesure temporaire de contournement d’eau potable, au cas où la conduite principale, située à proximité des travaux, serait rompue par inadvertance. « Mais on a une belle entente avec le Ministère et l’entrepreneur, Pomerleau. Je pense qu’on réussit à bien s’arrimer dans la coordination des travaux », souligne la mairesse Patricia Drouin.
Revitaliser une communauté
En plus d’être plus haute que la précédente, la nouvelle structure ferroviaire de Vallée-Jonction se démarque par son architecture. Ses côtés pleins sont façonnés en arches, qui rappellent celles du pont routier situé non loin. Chacun des cinq segments de l’ouvrage arborera un des trois coloris proposés par la firme AUpoint. « Le pont aurait pu être un brun ferroviaire comme on voit partout. Le Ministère a été très à l’écoute en ce qui concerne les couleurs du pont. Ç’a été une agréable surprise pour nous d’avoir obtenu ces trois couleurs-là », confie Patricia Drouin, qui ajoute que les traverses colorées constituent « une première ».
La mairesse espère que ce pont unique en son genre attirera les regards, mais aussi les touristes, dans un secteur qui a vu la démolition d’une soixantaine de maisons et d’édifices patrimoniaux à la suite des inondations de 2019. Des discussions sont en cours pour réaménager le pourtour de la gare et possiblement créer une plaque publique, en plus d’un mémorial en l’honneur de l’ancien pont.
Si le projet de réhabilitation du chemin de fer avait comme objectif premier le développement économique d’une région, il pourrait aussi contribuer au sentiment de fierté de toute une communauté.
De l’amiante dans les remblais
La proximité du chemin de fer Québec Central avec la ville de Thetford Mines n’est pas étrangère au fait que de l’amiante a été trouvée dans les remblais. « Quand ç’a été fait, ils ont remblayé avec les matériaux disponibles. Selon les normes de l’époque, c’était une utilisation logique. Aujourd’hui, on ne peut plus faire ça », fait remarquer Charles Meunier. En collaboration avec la CNESST et la santé publique, des mesures ont été mises en place sur les chantiers pour rabattre les poussières. « C'est un enjeu environnemental qu’on s’assure de suivre dans les règles de l’art », dit-il.
Cet article est paru dans l’édition du 10 octobre 2024 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous.