Réaliser un projet d’envergure : un apprentissage continu

11 avril 2024
Par Mathieu Ste-Marie

Deux entreprises ont récemment concrétisé le plus important projet de leur histoire. Évidemment, ces réalisations comportent leur lot de défis. Elles nous racontent comment elles les ont relevés et ce qu’elles ont appris de leur expérience enrichissante.

Ces trois dernières années, le Groupe LEG a participé à l’imposant Watay Power Project visant à développer des lignes électriques de 260 kilomètres de long pour relier 22 nations autochtones au réseau d’Hydro One, dans des communautés du nord-ouest de l’Ontario. Ce chantier de plus d’un milliard de dollars s’est terminé dans les derniers mois.

 

Des défis à relever

Les conditions hivernales extrêmes, la distance importante entre les sites de travail et l’accessibilité réduite à certains chantiers ont rendu la tâche ardue à l’entreprise dont le rôle était d’installer des fondations et des ancrages pour soutenir les pylônes électriques. « Plus nous progressions vers le nord, plus il était impossible de construire des chemins d’accès. Nous avons donc dû élaborer une solution pour terminer le projet », explique Philippe Richard, directeur des opérations chez Groupe LEG.

 

L’idée est donc venue de transporter les équipements par hélicoptère, dont la foreuse légère et modulaire. « Le défi était de conserver les équipements sous la barre des 8000 livres pour utiliser des hélicoptères de moyenne grosseur », souligne le directeur des opérations. Le Groupe LEG s’est donc donné comme défi de transformer la foreuse pour diminuer son poids et de fabriquer des paniers de transport afin d’apporter le matériel sur le site.

 

Si l’entreprise devait apporter les matériaux sur les chantiers, elle devait également s’assurer qu’il ne manque de rien. « Lorsqu’on travaille à 12 heures de route du village le plus proche, les opérations peuvent être arrêtées pour quelque chose d’aussi banal qu’un boulon ou un écrou manquant. La chaîne d’approvisionnement et la logistique sont critiques en région éloignée », affirme Philippe Richard.

 

Les unités d’entreposage devaient donc être remplies d’équipements, de matériaux et de quincaillerie nécessaires à la réalisation des travaux. Il ne devait manquer de rien. Les gens qui venaient dans les installations temporaires avaient toujours l’impression de visiter une quincaillerie, raconte le directeur des opérations du Groupe LEG.

 

Ne rien tenir pour acquis

Le Groupe LEG a dû assurer une bonne communication avec les communautés autochtones, ce qui n’a pas été aussi simple qu’envisagé. « Nous avions tenu pour acquis que nous allions avoir la collaboration des 22 conseils de bande, car nous faisions le projet pour eux. Mais nous nous sommes aperçus que ce n’est pas un groupe homogène. Ce sont 22 façons de voir différentes », reconnaît Philippe Richard.

 

Certains entrepreneurs de la région étaient effectivement en défaveur du Watay Power Project, car ils acheminaient le diesel par avion pour alimenter les génératrices dans les villages. Ce projet d’électrification leur faisait donc perdre des clients. Si cela était à refaire, le Groupe LEG les impliquerait plus tôt dans cette aventure. « On s’assoirait avec les conseils de bande pour passer des ententes et pour faire des représentations », explique-t-il.

 

Ce manque d’implication des parties prenantes a coûté cher à l’entreprise. En effet, des conseils de bande n’ont pas donné l’autorisation aux hélicoptères du Groupe LEG d’atterrir sur leurs pistes. Les appareils ont dû atterrir plus loin du chantier, ce qui a fait augmenter les coûts de transport.

 

En plus d’impliquer les parties prenantes, Philippe Richard conseille aux entreprises voulant réaliser un projet d’envergure d’avoir une situation financière stable. « Lorsqu’on s’attaque à un tel projet, il faut des liquidités. C’est le nerf de la guerre. Plus l’envergure du projet est importante, plus les besoins en liquidités sont élevés. »

 

Ce dernier recommande également de retenir les services d’un entrepreneur qui a déjà participé à un mégaprojet. Ses conseils pourront mieux guider l’entrepreneur à réaliser l’ampleur des défis à venir.

 

Des centaines d’unités locatives

De son côté, le Groupe Drumco, un entrepreneur général de Saint-Germain-de-Grantham, a travaillé sur deux projets à vocation locative et commerciale depuis trois ans : un à Trois-Rivières et l’autre à Saint-Mathieu-de-Beloeil.

 

Celui à Trois-Rivières comprend 120 unités locatives réparties sur cinq étages et un rez-de-chaussée commercial. Le bâtiment d’environ 150 000 pieds carrés a coûté 32 millions de dollars et a été livré l’an dernier.

 

Le second immeuble à Saint-Mathieu-de-Beloeil ressemble beaucoup à celui situé en Mauricie. Le bâtiment de cinq étages et d’environ 120 000 pieds carrés compte 125 appartements locatifs et une portion commerciale. Le projet de 40 millions de dollars devrait se terminer cet été.

 

Une coordination essentielle

Ces deux projets majeurs nommés « Cloria » ont entraîné un immense travail de coordination pour l’entrepreneur général.

 

« Nous travaillions avec 30 entreprises de sous-traitance qui avaient des agendas complètement différents. Ce n’est pas parce qu’un sous-traitant est prêt à venir sur le chantier que les autres le sont. Il fallait toujours s’assurer de trouver une bonne cadence qui convienne à tous les entrepreneurs », souligne Alex Gendron, directeur de projet au Groupe Drumco. La communication entre son entreprise et les autres compagnies a de ce fait joué un rôle crucial dans le succès des deux projets. Des réunions étaient organisées chaque semaine avec les sous-traitants qui ont été rapidement impliqués dans la construction des immeubles.

 

Le Groupe Drumco a mis sur pied une approche d’organisation du travail inspiré de la méthode Lean. En effet, dans la roulotte principale, chaque sous-traitant installait sur un mur d’immenses feuilles de couleur sur lesquelles étaient inscrits les travaux à faire d’ici les trois prochaines semaines. Lorsque la tâche était effectuée, le papier était retiré. « De cette façon, les entrepreneurs se commettaient en inscrivant les travaux qu’ils devaient effectuer », indique Amélie Hamel, directrice associée chez le Groupe Drumco.

 

L’importance de la préparation

Si Alex Gendron devait donner un conseil à un entrepreneur général qui envisage de réaliser un projet majeur, ce serait d’être bien préparé. « Il faut travailler en amont quelques mois d’avance pour s’assurer que tous les intervenants vont être prêts. Nous devons tout coordonner à l’avance », explique-t-il. Sans cette préparation, l’échéancier risque de ne pas être respecté et les coûts d’augmenter.

 

De son côté, Amélie Hamel estime que le succès d’un projet repose principalement sur l’équipe à l’interne et le choix des sous-traitants. « Il faut une équipe solide et dévouée. De plus, il faut une bonne collaboration et une communication efficace avec les sous-traitants. C’est essentiel ! »

 

Cinq conseils à retenir lors de la réalisation d’un projet
  • 1. Impliquer rapidement les différentes parties prenantes
  • 2. Posséder des liquidités suffisantes
  • 3. Être bien conseillé et se préparer aux défis
  • 4. Assurer une bonne coordination sur le chantier
  • 5. Maintenir une bonne collaboration et une communication constante avec les différents intervenants
 

Cet article est paru dans l’édition du 28 mars 2024 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous.