Tunnels Ville-Marie et Viger : un casse-tête sous la métropole

6 juillet 2020
Par Jean Garon

Le ministère des Transports du Québec (MTQ) s’attaque cette année à la réalisation du projet de réfection des tunnels Ville- Marie et Viger au centre-ville de Montréal. Des travaux titanesques d’une grande complexité qui s’échelonneront sur une période de dix ans pour le cout d’un peu plus de deux milliards de dollars.

« C’est comme construire un avion en plein vol », illustre d’emblée Pierre Blanc, l’ingénieur du MTQ responsable de la gérance du projet. Il énumère par exemple les défis du maintien de la circulation et des services pendant la durée des interventions, de la gestion des travaux morcelés en de multiples lots et réalisés majoritairement en espaces confinés, tout en assurant l’arrimage avec les projets et activités de la Ville et des promoteurs. C’est sans compter la gestion des effectifs sur une aussi longue période, tant au Ministère que chez les mandataires. « Et il y a toujours l’inconnue des impacts de la présente pandémie de la COVID-19 sur le déroulement des travaux », ajoute-t-il.

 

Néanmoins, le projet est bel et bien sur les rails. Grosso modo, il sera divisé en six principaux lots de construction entre 2020 et 2030, lesquels feront parfois l’objet de plusieurs contrats afin d’optimiser les séquences des travaux et de limiter les répercussions sur la mobilité au centre-ville. Fait à noter, la moitié des travaux se feront en dehors des voies de circulation, c’est-à-dire dans les tours et les plénums de ventilation, les corridors de secours souterrains, les salles techniques d’exploitation, ainsi que les stations de pompage.

 

Se faire la main

Pour le premier lot, le MTQ a subdivisé les travaux en quatre interventions et celles-ci ont été ciblées de manière à ce qu’il n’y ait pas de problèmes trop difficiles à résoudre. « Question de se faire la main, de tester des choses, de valider nos concepts et notre approche », avoue le gérant du projet.

 

Sommairement, le lot 1A consistera à rénover les voies de circulation des bretelles de la sortie de la Montagne. Cela comprend le démantèlement des derniers paralumes à l’entrée ouest du tunnel Ville-Marie. Le lot 1B entamera la délicate conversion du réseau d’alimentation électrique dans les tours désignées par les numéros 9 et 13. Ce réseau passera de 12 500 à 25 000 volts pour répondre aux exigences d’Hydro- Québec. Il faut aussi prévoir l’installation de chambres de sectionnement, la construction d’un bunker pour agrandir la salle des génératrices et d’autres interventions internes. Les travaux de ces deux parties du lot 1 devraient durer deux ans.

 

Pierre Blanc, Responsable de la gérance de projet au MTQ. Photo : MTQ

 

Pour le lot 1C, le MTQ compte s’attaquer en priorité à la reconstruction des ponts d’étagement Saint-Laurent et Saint- Urbain, entre les deux tunnels, en raison de leur mauvais état. Des travaux qui devraient s’échelonner sur une période d’au moins deux ans. « C’est extrêmement compliqué de remplacer ces ponts-là, avoue Pierre Blanc. On n’a pas idée de tout ce qui passe par là, pas seulement des voitures mais aussi des infrastructures de télécommunication. Si on coupe ça, on bloque l’activité économique de Montréal. »

 

Quant au lot 1D, qui commencera aussi cette année, il consistera à remplacer les 37 ventilateurs d’extraction pour évacuer l’air vicié des tunnels. Une phase de travaux plus laborieuse qui s’étendra sur environ trois ans et demi. « On a priorisé le remplacement des ventilateurs d’extraction parce qu’ils sont très importants pour le désenfumage en cas d’incendie, explique Pierre Blanc. Le remplacement des ventilateurs d’alimentation en air frais pour remplacer l’air vicié se fera un peu plus tard dans les autres lots. » Hormis les périodes de pointe ou de congestion, les courants d’air dominants suffisent en ce moment pour purifier en grande partie l’air du tunnel Ville-Marie.

 

En comparaison, les lots 2 et 3 seront plus critiques en raison de la conversion du réseau d’alimentation électrique de moyenne tension, surtout le lot 3B prévoyant des travaux à la tour 9, considérée comme le cerveau du tunnel Ville-Marie.

 

« Le manque d’espace posera tout un problème car il sera nécessaire de doubler tous les équipements durant les travaux pour que les services soient fonctionnels quand on rouvrira le tunnel le matin : l’éclairage, le drainage, la ventilation, les feux de circulation, les caméras de surveillance, etc. », détaille Pierre Blanc.

 

Protection environnementale

Un projet d’une telle envergure ne peut toutefois être réalisé sans un plan d’atténuation des impacts sur la circulation et l’environnement, reconnait Pierre Blanc. « Le projet prévoit un budget significatif dédié aux activités de Mobilité Montréal, dont le mandat consiste à mettre en place au besoin des mesures de mitigation pour aider à la fluidité de la circulation, comme l’ajout de services de transport en commun. Des écrans antibruit temporaires devront être installés près des portails, le bruit des ventilateurs sera contrôlé lors des tests, tout comme l’esthétique des tours de ventilation, dont l’architecture sera revampée. »

 

Mais la mesure la plus importante se situera davantage dans le contrôle des rejets des eaux usées dans le réseau d’égout municipal pour éviter des reflux dans le fleuve. Un système de drainage en mode de gestion dynamique des eaux installé en aval assurera le monitorage des rejets grâce à de nouvelles pompes, qui réduiront l’impact négatif des rejets par une modulation du débit au lieu de la traditionnelle commande ON / OFF à plein régime.

 

Contrats à octroyer

Au moment d’écrire ces lignes, le Ministère était en démarche d’octroi de plusieurs contrats de services professionnels, dont un pour la surveillance des travaux et un pour l’assurance qualité. Ces contrats sont en voie d’être accordés aux seuls soumissionnaires qui ont déposé une offre. Un autre appel d’offres public a aussi été lancé pour poursuivre la préparation des plans et devis spécifiquement pour les lots 2 à 6. Le comité de sélection va bientôt se pencher sur les propositions reçues.

 

Le gestionnaire du projet ajoute qu’un autre contrat sera bientôt offert pour assurer la maitrise d’oeuvre du chantier avec le MTQ. « La complexité du projet divisé en plusieurs lots rend nécessaire l’ajout de cette expertise afin de veiller à ce que la coordination et la synchronisation des travaux des différents entrepreneurs, et aussi des activités d’entretien, d’inspection et autres du MTQ, se fassent de façon sécuritaire. »

 

En ce qui concerne le lot 1, les plans et devis des lots 1A, 1B, 1C et 1D sont déjà à l’étape de finalisation par le consortium Tetra Tech / AECOM / Parsons. Des appels d’offres seront diffusés d’ici quelques semaines pour le choix des entrepreneurs qui exécuteront les travaux prévus pour ces lots, avance avec confiance Pierre Blanc. « En fait, on prévoit commencer les travaux des lots 1A et 1D l’automne prochain. Pour les lots 1B et 1C, les plans et devis sont en cours de préparation et les travaux pourraient démarrer avant la fin de l’année. »

 

Caractéristiques des tunnels Ville-Marie Viger
Longueur, incluant les bretelles 5,4 km 1,3 km
Localisation au centre-ville Guy / St-Urbain Hôtel-de-ville / St-André
Année de mise en service 1974 1986
Débit de véhicules (en 2016) 116 000 72 000
Véhicules lourds (en  %) 4,3  % 4,3  %

 

INFRASTRUCTURES EN RÉFECTION
  • 9 tubes de circulation
  • 10 ponts d’étagement
  • 29 murs de soutènement
  • 9 tours de ventilation
  • 10 km de chaussée en tunnel et hors tunnel
  • 5 km de corridors
  • 2 stations de pompage
  • 7 stations de distribution électrique