L’Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ) poursuit sa croisade contre la multiplication des retards de paiement exercés par les donneurs d’ouvrage.
Après avoir encaissé les contrecoups de longs délais dans l’attribution des autorisations à soumissionner de l’Autorité des marchés financiers, il n’y a pas si longtemps encore, puis de la réduction importante des investissements dans le réseau routier, voilà qu’un autre écueil se dresse devant la bonne marche de leurs affaires : la multiplication des retards de paiement de la part des donneurs d’ouvrage.
Une situation contre laquelle s’élève haut et fort l’ACRGTQ. Et que dépeint sans mâcher ses mots la directrice générale de l’organisme, Gisèle Bourque : « C’est grave ce qui se passe actuellement avec les retards de paiement, c’est devenu un vrai fléau. Cette façon de faire des donneurs d’ouvrage est très préjudiciable pour les entrepreneurs et il faut absolument y mettre un frein. »
Dans sa croisade, l’ACRGTQ s’active sous le parapluie de la Coalition contre les retards de paiement dans la construction. Ce regroupement d’une quinzaine d’associations gravitant dans les différents secteurs de l’industrie, dont l’Association de la construction du Québec et la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec pour ne citer que ces exemples, a été mis sur pied l’an dernier pour retourner la situation. En la mettant au grand jour, bien sûr, mais aussi en proposant des solutions pour réduire les délais de paiement.
La Coalition a notamment confié à Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT) le mandat d’évaluer les impacts économiques découlant des retards de paiement. Rendue publique à la fin d’avril dernier, son étude les évalue à plus de 7,2 milliards de dollars, ce qui représente environ 15 % du total des dépenses annuelles au Québec. En plus d’avancer que ce manque à gagner cause des impacts négatifs de plus d’un milliard aux entreprises de construction, en majorité des PME.
L’analyse de RCGT fait également ressortir que les délais de paiement s’établissent à 80 jours en moyenne dans l’industrie et que la tendance est à la hausse depuis plusieurs années. Autre constat qu’il faut noter : chaque retard de paiement ajoute une pression sur les liquidités des entreprises du secteur, puisqu’elles doivent honorer rapidement leurs dépenses courantes : paiement des fournisseurs, salaires, taxes, cotisations, etc.
Entreprises en péril
« Il y a une menace réelle pour la survie des entreprises, observe Gisèle Bourque, et il y en a même qui sont acculées à la faillite à cause de ça ou qui n’ont plus la capacité de soumissionner. Comme il y a donc moins de joueurs en compétition pour les contrats, ça signifie en même temps de moins bons prix pour les donneurs d’ouvrage… »
Elle note que les retards qui ne cessent de se multiplier sont d’autant plus inacceptables parce qu’ils sont plus souvent qu’autrement injustifiés. Elle précise : « Il y a parfois des raisons qui font qu’un donneur d’ouvrage retarde le paiement d’un entrepreneur, comme un litige entre les parties dans lequel on doit faire intervenir un médiateur. Ça, c’est une chose. Mais là, on parle d’ouvrages qui ont été réalisés selon les documents contractuels, bien exécutés, sans conflit majeur et pour lesquels il y a malgré tout d’importants délais de paiement. »
Pour la directrice générale de l’ACRGTQ, il est clair que les entreprises oeuvrant dans le génie civil et la voirie sont fortement touchées par les retards de paiement. Plus particulièrement en raison du fait qu’elles exécutent des contrats pour le compte de grands donneurs d’ouvrage publics tels Hydro-Québec et le ministère des Transports du Québec, de même que pour les municipalités.
« Ce sont tous des donneurs d’ouvrage qui tardent de plus en plus à payer les entrepreneurs, souligne-t-elle. Dans le cas du ministère des Transports, par exemple, les délais peuvent s’étirer quatre ou cinq mois, parfois six. Du côté d’Hydro-Québec, c’est encore pire, alors que ça va jusqu’à deux ans. » Et est-ce qu’il y a une relation de cause à effet avec les remous créés par les travaux de la Commission Charbonneau ?
« C’est sûr que les donneurs d’ouvrage sont plus sur la défensive, plus frileux de peur de se faire montrer du doigt, répond Gisèle Bourque. Surtout quand il est question des fameux extras qui ont été tant galvaudés et démonisés, mais qui n’en sont pourtant pas.
« Ce sont des dépassements de coûts qui sont justifiés en raison de travaux supplémentaires demandés par les donneurs d’ouvrage, poursuit-elle du même élan. C’est tout à fait normal, c’est intrinsèque à un contrat qu’il y ait des ouvrages additionnels qui soient exigés de par la nature même des travaux de base. Ça ne justifie pas du tout de retarder les paiements. »
Cet article est tiré du Supplément thématique – Infrastructures et grands travaux 2015. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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