18 septembre 2017
Par Marie Gagnon

Le démantèlement d’un tunnel ferroviaire dans l’emprise de l’échangeur Turcot a donné lieu à un sans-faute en matière de santé et de sécurité du travail. Retour sur un chantier exemplaire.

Gérer la santé et la sécurité au chantier n’est pas une mince affaire, loin de là. Le chantier constitue en effet un lieu de travail en constante transformation, qui se caractérise par une extraordinaire diversité, tant par les activités qui s’y déroulent que le nombre de travailleurs qui y évoluent. Ce qui en fait un milieu de travail parmi les plus à risque, tous secteurs d’activité confondus.

 

Toutefois, si certains chantiers font preuve de minimalisme en ce qui concerne la gestion de la sécurité, d’autres font preuve d’une rigueur exemplaire en la matière. Le démantèlement du tunnel Sainte-Anne-de-Bellevue, dans le cadre de la reconstruction de l’échangeur Turcot, est un de ceux-là. Le chantier, réalisé par la firme Delsan-AIM en 2016, a obtenu la note parfaite sur le plan de la santé et de la sécurité du travail (SST).

 

Un chantier complexe

Le projet s’annonce pourtant d’une complexité extrême : il s’agit de démanteler le tunnel ferroviaire du CN situé sous le boulevard Sainte-Anne-de-Bellevue, dans le secteur ouest de l’échangeur Turcot, et d’en désamianter la voûte. Pour compliquer la donne, le tunnel est traversé par quatre voies ferrées appartenant au CN et faisant partie de son réseau pancanadien. Plus d’une quarantaine de trains y circulent chaque jour.

 

Un chantier complexe - Photo de MTMDET

 

Comme les voies doivent demeurer en service tout au long des travaux, il est hors de question de démolir la structure sur place. Elle sera donc démantelée section par section, chaque section étant ensuite transportée hors de l’emprise ferroviaire pour y être démolie. La structure en impose par ses dimensions. Faite de béton armé, elle est haute de 9,2 mètres (m) et large de 22,5 m. Et elle s’étire sur une longueur de 120 m.

 

À l’extrémité est, une extension composée d’une série de 13 poutres-caissons de 16,5 m, toujours en béton, lui a été ajoutée. Celle-ci sera démantelée par levage. Pour ce faire, les poutres, qui pèsent chacune 37 tonnes, sont d’abord désolidarisées en découpant le tablier en 13 sections, puis retirées une à une avec une grue mobile de 500 tonnes. Quant au tunnel, il est découpé en 13 sections de 1 100 tonnes chacune et déplacé hors de l’emprise au moyen d’une grue-portique. Une méthodologie rigoureuse

 

« On n’avait qu’une petite fenêtre d’environ quarante-cinq minutes, aux petites heures du matin, pour déplacer les sections de tunnel, souligne Jean-François Durocher, coordonnateur Santé et sécurité pour Delsan-AIM. On imagine la planification nécessaire pour organiser les travaux à la minute près. On est dans une emprise vivante, il n’y a pas de place pour l’improvisation. Si un incident survient et qu’on bloque une voie, le risque financier est élevé.

 

« On a donc mis au point avec nos partenaires, KPH Turcot et le CN, une méthodologie de démantèlement qui impliquait le moins d’interventions possibles sur les voies, expose-t-il. Le jour, on procédait à la désolidarisation et, la nuit, on sortait les sections au moyen d’une grue-portique. Et on a mis en place des mesures de sécurité adaptées au chantier afin d’atténuer les risques et de s’assurer que les travaux se réalisent sans incident, que personne ne se blesse et qu’il n’y ait aucun renversement. »

 

La tolérance zéro

Les travaux comportent plusieurs dangers, dont trois désignés de tolérance zéro dans le Plan d’action construction : les chutes de hauteur, les risques d’effondrement et l’exposition aux poussières d’amiante et de silice cristalline. Pour circonscrire ces menaces et établir les mesures de prévention adéquates, les travaux sont organisés autour de trois grands axes. D’abord un plan de protection des voies, pour ne pas endommager les rails lors du forage et du sciage au câble du tunnel.

 

Un chantier complexe - Photo de MTMDET

 

Ensuite un plan de levage critique et de transport, approuvé par KPH Turcot et le CN, pour sortir les éléments de béton hors de l’emprise ferroviaire. Et, enfin, une procédure de démolition à l’extérieur de l’emprise. « Le sciage et le levage des sections ont été réalisés en sous-traitance, mais c’est nous qui avons effectué les travaux de transport et de démolition, indique Jean-François Durocher. Il y avait entre autres beaucoup de travail en hauteur pour le démantèlement de la structure. »

 

Ces travaux, qui se déroulent sur la face supérieure du tunnel, ont notamment été sécurisés à l’aide d’échafaudages et de clôtures solidement ancrés dans les parois de béton de la structure. Pour que les travailleurs évoluent en sécurité, ils ont tous été munis d’un harnais de sécurité combiné à un enrouleur-dérouleur et un plan de sauvetage, prévoyant une intervention en moins de cinq minutes en cas de chute, a été élaboré.

 

Par ailleurs, pour contrôler les émissions de silice, la technique de découpage en milieu humide a été préconisée et les travailleurs qui se trouvaient à l’intérieur de l’emprise se sont vu imposer le port d’une protection respiratoire demi-masque avec cartouche conforme à la norme CSA Z94.4-93, Choix, entretien et utilisation desrespirateurs. À l’extérieur de l’emprise, un camion automatisé assurait l’abattage des poussières par aspersion d’eau.

 

Un chantier complexe - Photo de MTMDET

 

Pour le désamiantage des sections avant leur démolition, Jean-François Durocher et son équipe ont mis en place toutes les mesures prévues par le Code de sécuritépour les travaux de construction (CSTC). Une enceinte étanche a été érigée autour des sections à démolir et les travailleurs ont revêtu leur combinaison étanche et enfilé un respirateur à ventilation assistée avec filtre HEPA répondant, lui aussi, à la norme CSA Z94.4-93.

 

Une valeur fondamentale

« Chaque section de tunnel est devenue en soi un chantier de désamiantage, relève le coordonnateur SST de Delsan-AIM. Mais on est allé encore plus loin dans la protection des travailleurs. Par exemple, dans les zones où se déroulaient les activités de démolition, des clôtures délimitaient les aires de travail et des affiches annonçaient le danger. L’accès à ces aires était contrôlé par un contremaître ou un surveillant et l’approche était limitée à une fois, une fois et demie la portée de l’équipement. »

 

« Sur nos chantiers, on préconise toujours l’emploi de la machine avant celle de l’humain, ajoute-t-il. C’est pourquoi on mécanise au maximum les activités. Par exemple, pour l’abattage des poussières, on a utilisé un camion automatisé. Pour déplacer les sections de tunnel hors de l’emprise, on a eu recours à une plateforme multidirectionnelle téléguidée. On n’a pas le choix d’être proactif, tout ce qu’on touche, la démolition comme le désamiantage, est à risque élevé. »

 

Cet engagement en faveur de la SST a d’ailleurs permis à Delsan-AIM de se tailler une place enviable dans l’industrie lourde et le secteur du génie civil, où les standards en la matière sont très élevés. C’est aussi cette approche, aujourd’hui bien ancrée dans les valeurs de l’entreprise, qui lui a permis de n’enregistrer aucun incident lors de la démolition du tunnel Sainte-Anne-de-Bellevue. Et qui lui a valu le prix Gestion santé-sécurité du travail 2017 de l’Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ).

 

 


Cet article est tiré du Supplément thématique – Santé et sécurité 2017. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !