12 octobre 2023
Par Roxanne Caron

L’utilisation d’une grue mobile sur les chantiers de construction expose les travailleurs à plusieurs dangers si les règles de sécurité sont bafouées. Pour éviter les accidents, le secret réside dans la formation et la planification des travaux.

Une mauvaise planification de levage peut mener à un accident. L’employeur peut avoir mal planifié la méthode de levage, le choix de l’appareil et même l’emplacement pour le faire.

 

Ainsi, il faut systématiquement informer le grutier et l’équipe de levage du poids de la charge à soulever. Ceci a un impact sur la configuration de la grue, mais aussi sur les accessoires et les méthodes d’élingage à utiliser. Par exemple, si la longueur des élingues n’est pas adéquate, celles-ci peuvent casser parce qu’elles sont surchargées. Une grue en surcharge peut se renverser et même s’effondrer, risquant la vie des travailleurs sur place en plus de causer des dommages matériels considérables. Cela peut notamment se produire en raison d’une capacité insuffisante de la surface portante, c’est-à-dire un sol pas assez solide pour supporter le poids de l’équipement et la charge.

 

Une erreur de programmation peut aussi mener à des accidents puisque l’ordinateur de la grue ne travaille pas dans le bon tableau de charge. « Si le grutier programme que les quatre stabilisateurs sont en extension complète et qu’en réalité ils ne le sont pas, la capacité de la grue peut en être grandement affectée, et celle-ci peut se renverser », donne en exemple José Riopel, enseignant en conduite de grues de l’Atelier-école Les Cèdres.

 

José Riopel, enseignant en conduite de grues à l'Atelier-école Les Cèdres. Crédit : Gracieuseté

 

Mis à part le renversement, d’autres causes d’accident peuvent être engendrées par une perte de la charge. Celle-ci peut notamment être perdue pendant qu’elle est transportée verticalement. Les accessoires peuvent être défectueux, trop usés ou mal utilisés en raison d’une mauvaise méthode d’élingage.

 

Un travail d’équipe

Au Québec, toute grue ayant une capacité de levage de 50 tonnes et plus et qui n’est pas une grue pour terrain accidenté commande le jumelage de deux travailleurs, soit deux compagnons ou encore un compagnon avec un apprenti. Pour les grues de 120 tonnes et plus, deux compagnons sont nécessaires.

 

Certaines entreprises ont acquis des grues de 110 tonnes pour offrir un programme d’accompagnement des apprentis grutiers, afin de leur permettre de compléter les heures d’apprentissage plus rapidement et sous la supervision d’un compagnon expérimenté. « Cette initiative aide grandement à améliorer la sécurité des travailleurs, en raison du choix judicieux des compagnons grutiers qui participent à ce programme », fait savoir M. Riopel.

 

Une série de responsabilités

Le grutier a la responsabilité d’inspecter la grue avant son utilisation, de la déplacer sur la route jusqu’au chantier, de planifier le ou les levages à effectuer, selon les charges à lever et l’endroit où les déposer en effectuant une évaluation rigoureuse des lieux. Il doit aussi installer la grue, les stabilisateurs, la mettre à niveau et installer les accessoires nécessaires pour soulever les charges.

 

À travers tout cela, le grutier doit également tenir compte des effets du vent. Une charge volumineuse a plus d’emprise dans le vent. La vitesse des opérations doit être adaptée ou encore des câbles de guidage doivent être installés pour retenir la charge.

 

Le défi du transport

Au fil des années, la technologie métallurgique s’est peaufinée permettant ainsi de déplacer des grues de grande capacité sur les routes du Québec même en période de dégel. La grue doit d’ailleurs être configurée pour circuler sur la route et respecter le Code de la sécurité routière du ministère des Transports du Québec (limite de vitesse, poids, documents à posséder, etc.).

 

Même le transport de l’équipement comporte des risques. « À cause du poids de la grue, le centre de gravité du camion est surélevé. Quand il travaille en courbe, le camion devient instable et peut se renverser sur le côté », explique l’enseignant en conduite de grues. C’est d’ailleurs pourquoi ses élèves ont accès à un circuit routier pour avoir une base de conduite de différents engins. L’étudiant est ainsi amené à déplacer la grue sous ses différentes configurations.

 

Inspection

Avant chaque utilisation, une grue mobile doit être inspectée visuellement en suivant un carnet de bord. « Si elle est utilisée le jour et le soir, l’inspection doit se faire à ces deux moments-là », indique M. Riopel. L’appareil doit aussi être soumis à quatre inspections annuelles, dont trois mécaniques. Une fois par année, un mécanicien et un ingénieur passent au peigne fin la grue. Un certificat d’inspection signé et scellé par un ingénieur est émis, en plus d’un rapport d’inspection visuelle détaillée et des essais effectués (magnétoscopie, ultrasons, tests de levage, etc.). À tout cela s’ajoutent aussi les recommandations d’inspection du fabricant.

 

Accéder au métier

Au Québec, il existe deux écoles offrant un diplôme d’études professionnelles (DEP) en conduite de grues d’une durée de 870 heures. Il s’agit de l’Atelier-école Les Cèdres, à Les Cèdres, et du Centre national de conduite d’engins de chantier (CNCEC), à Lévis.

 

Bien que la voie privilégiée pour devenir grutier demeure le DEP, il est possible pour un non-détenteur du DEP d’accéder à ce métier en suivant un plan de formation en entreprise (PFE) assorti d’un examen d’intégration. Cette formation n’est pas couverte par le Fonds de formation des salariés de l’industrie de la construction et les frais qui s’y rattachent doivent être acquittés par le candidat et/ou l’entreprise (environ 12 000 $ par candidat), peut-on lire sur le site de la Commission de la construction du Québec (CCQ). Autre option: tout travailleur de la construction étant titulaire d’un certificat de compétence compagnon et d’un permis de conduire de « classe 3 » peut suivre une formation de 80 heures pour pouvoir opérer un camion-flèche de 30 tonnes et moins.

 

Ces deux voies d’accès au métier de grutier ont toutefois été dénoncées en 2019 par des associations syndicales, des grutiers et une majorité des entreprises les recrutant. Ceux-ci y ont vu là des lacunes en termes de sécurité à la vue de la courte durée des formations.