Le 3 avril 1912, le ministère de la Voirie prend la relève des municipalités québécoises comme responsable du réseau routier, petite révolution signe avant-coureur de la révolution tranquille. Il deviendra en 1973 celui des Transports, « au rythme d'une évolution de sa mission au diapason des changements sociaux et économiques », dit Mario St-Pierre, conseiller en communication au ministère des Transports du Québec (MTQ).
À cette époque, dans un contexte d'urbanisation et d'apparition de l'automobile et du camion comme moyens de transport, les allers et retours de la ville à la campagne et vice-versa se sont multipliés. Pour la promenade du dimanche ou pour visiter la parenté à la campagne, ou pour le commerce au marché en ville. Sans compter le développement du tourisme de villégiature chasse et pêche provenant des États-Unis.
Il semblait alors une bonne idée d'uniformiser les différentes infrastructures routières. « Ça pousse le gouvernement à investir dans l'amélioration et le développement du réseau. L'ambiance était positive pour le regroupement des efforts sous un ministère », dit Mario St-Pierre. En 1912, la Voirie obtient ses 25 premiers employés, dont trois ingénieurs et quatre inspecteurs. En 1915, elle en compte 170.
Reconnaissance mondiale
Mais l'analphabétisme fréquent représentait un défi en signalisation. J.-Omer Martineau, assistant ingénieur en chef du ministère de la Voirie, a résolu le problème au début des années 20. Son idée : implanter un système de signalisation symbolique à pictogrammes, des dessins plutôt que du texte.
« Une innovation qui a été reconnue et qui est devenue une référence mondiale lors de la Conférence mondiale sur les transports routiers de 1949 à Genève en Suisse », précise Mario St-Pierre. Il soutient qu'elle avait été mentionnée et prise en exemple, insufflant un leadership du Québec dans ce domaine.
Concevoir des routes modernes et fournir de l'ouvrage
Partant de chemins de calèches épousant la forme du sol, le ministère de la Voirie élabore et applique entre 1929 et 1935 un programme d'amélioration de la chaussée pour les camions et les automobiles. La géométrie des routes devient une préoccupation. Du revêtement permanent (concassé, bitume) est posé, les routes sont inclinées de façon à égoutter l'eau, des caprices du terrain sont remplis ou aplanis. Cette époque culmine avec l'inauguration en 1935 du pont de l'île d'Orléans. L'année 1932 voit apparaître les panneaux d'arrêts obligatoires et les lignes blanches dans les courbes sur le bord des routes asphaltées.
Deuxième Guerre et circulation lourde
Avec la Deuxième Guerre mondiale, la présence d'aéroports, usines de munitions et camps militaires a accru la circulation, la circulation lourde et l'intensité des échanges entre villes et campagnes. Malgré des améliorations, le réseau trop sollicité n'avait pas été conçu pour supporter des charges de munitions et pièces de métal, dit Mario St-Pierre. Industrialisation lors de laquelle il fallut investir plus que jamais.
L'uniformité de tous les chemins de toutes les régions est donc « prise en charge par la Voirie ». Des villes avaient conservé une certaine responsabilité sur leur réseau routier interne, mais 1940 est l'année de l'uniformisation de l'ensemble. C'est aussi l'ère du début du développement de l'aspect scientifique du traçage de chemins avec des études sur les revêtements. Le Laboratoire de voirie ouvert en 1946 étudiera les techniques de construction et entretien des routes avec du ciment, de l'acier et de l'asphalte.
Boums d'après-guerre (1945-1960)
Après la guerre, la prospérité amène hausse des salaires, hausse du niveau de vie, changement du style de vie (chalets dans le nord, maisons secondaires, ski), boum des naissances, donc hausse du nombre de véhicules (automobiles, camions, taxis, motos). Un projet de modernisation des routes est mis en place pour « accompagner la situation » et pour relier les régions éloignées aux grands centres urbains.
Par exemple, le boulevard Talbot, qui permet d'accéder au Saguenay-Lac-Saint-Jean par la réserve faunique des Laurentides (1948), et un premier tronçon de 16 km de l'autoroute des Laurentides, l'autoroute 15 (1958), première autoroute québécoise.
À l'aube de la révolution tranquille, l'ambiance commence à tendre vers la prise en charge des outils collectifs de progrès économiques et sociaux par les citoyens, donc à la hausse de la taille et du rôle de l'État. Le ministère des Transports (aéroports, aviation, transport maritime) et des Communications est créé le 25 novembre 1952. Il sera fusionné en 1973 au ministère de la Voirie pour voir naître le MTQ.
L'effervescence d'Expo 67
Une première section de l'autoroute Métropolitaine est ouverte en 1960. L'épandage systématique de sel et de calcaire apparaît en 1961 pour améliorer la circulation hivernale et permettre d'ouvrir l'ensemble des routes toute l’année. Au cours des années 60, la Voirie avait investi pour ajuster le réseau routier et les transports en commun (première ligne de métro en 1966) aux besoins anticipés pour Expo 67.
Parmi les travaux « majeurs » des années 60 à 80 pour former l'ensemble du réseau routier que l'on connaît aujourd'hui : début de l'autoroute 20 (1962), tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine (1967), pont Laviolette (1967), pont Pierre-Laporte (1970), autoroute 15 (1974), autoroute 40 (1976) et autoroute 55 (1978). « Il y a eu un temps où il fallait passer par les villages », rappelle Mario St-Pierre.
Accompagner et accélérer le progrès
Les années 90 ont vu apparaître la politique ministérielle sur l'environnement (1992) pour protéger les milieux de vie lors des activités de construction liées au ministère. Par exemple, les passages pour les animaux sous l'autoroute de la réserve faunique des Laurentides, qui ont aussi une fonction sécuritaire pour les automobilistes utilisateurs de l'autoroute.
Également, le premier centre de gestion de la circulation avec caméras à Montréal. Mondialisation des échanges, hausse du transport de marchandises et arrivée d'une politique commerciale de livraison « à temps » avaient contribué à l'augmentation du transport par camion, facteur de bouchons et d'usure.
L'évolution des pratiques de construction et d'amélioration des infrastructures routières au Québec a donc « suivi et même parfois devancé le rythme des demandes des milieux, permettant à la société de changer », selon Mario St-Pierre.