Portrait d'une industrie en transformation

6 février 2012
Par Luc-Étienne Rouillard-Lafond

Vieillissement - Industrie de la construction (1/2)

 

Le Québec est aux prises avec le vieillissement de sa population et l'industrie de la construction n'y échappe pas. Alors qu'on comptait 18 704 travailleurs de la construction âgés de 55 ans et plus en 2009, on prévoit que près de 26 000 travailleurs de cette tranche d'âge exerceraient leur métier sur nos chantiers en 2020.

 

L'industrie de la construction roule présentement à pleine vapeur. Des records vieux de 30 ans sont battus, alors que plus de 150 millions d'heures travaillées ont été enregistrées en 2011. Cette tendance devrait se maintenir au moins jusqu'en 2020. Pourtant, il y a 30 ans, 30 000 jeunes travailleurs y adhéraient chaque année. Cette année, seulement 10 à 15 000 jeunes joindraient l'industrie. « D'ici quelques années, on va commencer à frapper un mur, craint, Louis Delagrave, directeur de la division recherche et organisation de la Commission de la construction du Québec. Le bassin des jeunes de 16 ans qui choisissent de se former dans les métiers de la construction commence à diminuer. »

 

Danielle Dumas, jusqu’à tout récemment directrice des communications et du marketing au Fonds de formation de l'industrie de la construction, abonde dans le même sens. « Il y a huit jeunes pour remplacer 10 personnes qui vont partir à la retraite. Ce déficit démographique existe dans un contexte où l'industrie doit être ultra productive parce que l'on a plein de chantiers actuellement. » Certains métiers sont particulièrement touchés par ce phénomène. Par exemple, les chaudronniers affichaient en 2010 une moyenne d'âge de 44,6 ans, les grutiers, 44,5 ans, les mécaniciens de chantier, 46,9 ans et les soudeurs, 46,2 ans.

 

Le recrutement de la main-d'œuvre se fait présentement davantage dans la population des hommes d'environ 25 ans. Selon la CCQ, le nombre de travailleurs dans cette tranche d'âge devrait se maintenir jusqu'en 2017. « D'ici cinq ans, ça va aller encore pour attirer des hommes. Après ça, on va frapper un mur, il va y avoir moins d'hommes de 25 ans et moins de jeunes », soutient-elle.

 

Faire cohabiter deux générations de travailleurs

Cette situation occasionne certains problèmes, notamment au niveau de la cohabitation des différentes générations de travailleurs. « Les jeunes de la génération Y et de la génération C, qui sont en train d'entrer présentement dans l’industrie et qui vont entrer dans les années à venir, ne travaillent pas du tout de la même façon que les bébé-boumeurs, explique Danielle Dumas. Ça crée des tensions. »

 

La bonne entente intergénérationnelle est pourtant essentielle à l'industrie de la construction, puisqu'elle est en compétition avec d'autres secteurs d'activité, notamment les industries forestière et minière, dans le recrutement de la main-d'œuvre manuelle. « On se partage une main-d'œuvre manuelle, avance Danielle Dumas. Si cette main- d'œuvre n'est pas heureuse dans l'industrie de la construction parce qu'elle se fait crier après, chose qui était courante il y a 15 ou 20 ans, elle va aller voir ailleurs. »

 

Stimuler les travailleurs d’expérience

Autre problème lié au vieillissement de la main-d'œuvre, les travailleurs plus âgés, malgré un bagage d'expérience inestimable, sont victimes de l'usure du temps et leur productivité peut s'en ressentir. « Quand on dit vieillissement, on dit fatigue, blessures, explique Danielle Dumas. Quand tu approches la cinquantaine, tu es pas mal moins vert que quand tu as 30 ans. Donc la tâche doit évoluer. »

 

Malgré tout, l'industrie faisant face à une pénurie de main-d'œuvre, elle doit valoriser et ajuster la charge de travail de ses travailleurs plus âgés afin de les inciter à demeurer au travail. « Tes plus vieux, il faut trouver des trucs pour les intéresser à un travail qu'ils font depuis des années et réussir à alléger leur tâche, maintient Danielle Dumas. Parce que si on les laisse partir, on va être dans le trouble. »

 

Devant une telle situation, affirmer que l'industrie de la construction fait face à un grand défi serait un euphémisme. Celui-ci consiste à maintenir un niveau de productivité maximale tout en assurant le renouvellement de sa main-d'œuvre. Vaste chantier.

 


Ce sujet pique votre curiosité ? Lisez tous les articles du dossier VIEILLISSEMENT :

 

Un Québec grisonnant (Portrait de la situation 1/1)

 

Portrait d’une industrie en transformation (Industrie de la construction 1/2)

L’industrie de la construction en action face au vieillissement (Industrie de la construction 2/2)

 

Former nos villes pour l’avenir (Urbanisme 1/1)

 

Une communauté en mouvance (Développement résidentiel 1/3)

Résidences pour retraités – Demain, c’est loin ? (Développement résidentiel 2/3)

Habitations mixtes – Une sagesse à partager (Développement résidentiel 3/3)