Adoption du BIM en construction : les entrepreneurs ne doivent plus attendre

23 mars 2022
Par Jean Garon

La transition numérique est bel et bien en marche dans l’industrie de la construction. Et le processus de modélisation des données du bâtiment ou BIM est au coeur de cette transformation majeure et incontournable qui touche tous les acteurs de ce milieu.

« C’est un virage au niveau industriel », commente Martin Lafleur, directeur général du Groupe BIM du Québec. « Les entreprises québécoises n’ont pas d’excuse pour éviter d’aller de l’avant; elles ont tout ce qu’il faut pour prendre ce virage numérique », affirme-t-il, faisant référence aux programmes d’accompagnement et d’aide financière qui leur sont offerts.

 

« Il faut bien commencer quelque part, dit-il, ne serait-ce qu’à partir de projets très modestes. Et il ne faut surtout pas croire que cette transition numérique ne concerne pas les petites organisations qui ne comptent que deux ou trois partenaires. On travaille justement à l’élaboration de plans d’implantation du BIM pour des entreprises de toutes tailles. »

 

Martin Lafleur, directeur général du Groupe BIM du Québec. Crédit : Gracieuseté

 

Plus de 250 entreprises ont déjà fait appel aux outils offerts dans le cadre de l’Initiative québécoise de la construction 4.0. Le Groupe BIM du Québec et l’Institut de la gouvernance numérique y collaborent à parts égales, que ce soit pour poser un diagnostic numérique de l’entreprise de construction ou du donneur d’ouvrage, ou pour élaborer un programme d’implantation numérique et d’accompagnement de leur cheminement technologique. De plus, ces démarches peuvent être assorties d’une aide financière pouvant aller jusqu’à 50 000$ sur des projets totalisant 100 000 $.

 

Mobilisation de l’industrie

Rappelons que le Groupe BIM du Québec a été mandaté pour mobiliser tous les acteurs de l’industrie de la construction afin qu’ils se préparent en vue de répondre aux cibles de la Feuille de route gouvernementale lancée l’an dernier. Cette Feuille de route planifie sur cinq ans le recours progressif à la modélisation des données du bâtiment (BIM) dans l’exécution des contrats publics.

 

En décembre dernier, la Table multisectorielle BIM-PCI, largement représentée par l’industrie de la construction, a mandaté un comité consultatif piloté par le Groupe BIM du Québec pour mettre sur pied cinq comités de travail afin d’établir les priorités et de mettre en oeuvre des plans d’action pour faire avancer la Feuille de route gouvernementale. « Il y a beaucoup de choses qui s’en viennent pour accentuer les aides et les formations », annonce Martin Lafleur.

 

Par exemple, le comité de formation va examiner les programmes offerts dans les cégeps et universités ainsi que dans l’industrie afin de noter les lacunes et de trouver des solutions pour rendre les formations plus accessibles. Les autres comités s’attarderont plus spécifiquement à l’intégration du BIM dans les PME, les fabricants et les fournisseurs. Ils s’attarderont également aux normes et aux systèmes de classification ainsi qu’à la terminologie utilisée afin que tout le monde concerné s’entende sur les termes et les définitions du BIM.

 

L’ensemble de l’industrie de la construction et des plus petits donneurs d’ouvrage comme les municipalités et les centres de service scolaires, pour ne nommer que ceux-là, peuvent s’attendre à une évolution rapide de cette transition numérique. S’il avait un conseil à leur donner, Martin Lafleur leur dirait de ne plus attendre pour ne pas rester en plan. « C’est maintenant que ça se passe. L’industrie l’exige de plus en plus. On n’a qu’à penser aux grands entrepreneurs généraux qui y sont engagés auprès des grands donneurs d’ouvrage et qui l’exigeront progressivement à leurs sous-traitants spécialisés et fournisseurs. » Bref, c’est toute la chaine d’approvisionnement qui est concernée par cette transition numérique.

 

Construction Longer prend les grands moyens

Elles sont plusieurs centaines d’entreprises de construction à s’intéresser au phénomène BIM dans l’industrie. L’entrepreneur général Construction Longer a récemment pris les grands moyens en investissant dans l’engagement d’une ressource attitrée à sa transition numérique et à l’intégration du BIM dans ses pratiques contractuelles.

 

S’il reconnait d’emblée la variété d’usages du BIM dans un projet de construction, et pas seulement pour la conception modélisée en 3D, le responsable des pratiques numériques et BIM chez Construction Longer, Alex Lalumière, prêche pour l’enrichissement des bases de données de l’entreprise, qui contribueront ainsi à faciliter le partage des informations utiles à la réalisation de ses projets. Au fond, il défend sa position parce que l’information se trouve au coeur du BIM qui, selon lui, constitue la valeur ajoutée à un projet.

 

« Certes, admet-il, plusieurs choses peuvent freiner l’adoption du processus BIM dans la gestion des projets. Ça peut concerner l’étendue du mandat, les technologies utilisées, le partage de l’information entre les acteurs impliqués, la détection de problèmes ou d’interférences, etc. » Tout est une question de préparation. À titre d’exemple, ajoute-t-il, « on peut déterminer dans notre modèle, avec les paramètres définis, quels éléments sont prêts à être coordonnés et lesquels sont en cours de conception pour diminuer l’effort de détection d’interférences. Là, ça relève plus de la gestion de l’information. On peut ainsi être capable d’imputer un problème à un acteur particulier du projet et faire un suivi de ce problème à l’intérieur des données fournies dans le projet ».

 

Il y a beaucoup à gagner en termes d’efficacité, assure-t-il. « La première étape, c’est de se lancer dans le BIM. Il ne faut pas se décourager au départ, parce que les premiers projets, effectivement, ce n’est pas là qu’on va obtenir un gain énorme en efficacité. C’est à la longue, en s’habituant, en standardisant ses données numériques. » Même dans de petites entreprises, ne serait-ce qu’en ajoutant une traçabilité à l’information quelque part, suggère-t-il, et pas seulement dans la tête d’un chargé de projet.

 

Et ce n’est que le début, selon lui, quand on regarde comment ont évolué les choses au Royaume-Uni, par exemple. « Le gouvernement a mandaté ISO 19650 pour assurer une gestion de l’information standardisée sur tous les projets de construction de 5 M$ et plus. Ç’a incité les firmes à se standardiser et à se tourner vers le BIM et il continue de pousser dans cette direction. »

 

En résumé, l’essentiel à retenir dans cette démarche d’entreprise pour l’adoption du BIM, c’est de bien cerner les besoins et les attentes de l’organisation. Pour Alex Lalumière, « c’est l’une des plus belles valeurs ajoutées d’ISO  9650. Ça peut paraitre banal, mais il y a beaucoup de non-dits dans l’industrie de la construction qui limitent ce qui devrait être documenté dans une perspective de partage d’information ».