Chantier du REM : ADM mise sur le zéro déchet

1 août 2023
Par Mathieu Ste-Marie

Alors qu’environ un million de tonnes de résidus de construction sont éliminées chaque année au Québec, la situation se déroule tout autrement sur les chantiers de YUL Aéroport international Montréal-Trudeau.

En effet, le recyclage et la revalorisation de la majorité des résidus y sont réalisés, une pratique écologique qui attire l’attention de plusieurs donneurs d’ouvrage.


Sur le chantier du futur Réseau express métropolitain (REM), les travailleurs s’affairent à construire une station souterraine de 40 mètres de profondeur qui devrait être mise en opération en 2027. Ces travaux de grande envergure, menés par ADM Aéroports de Montréal, devraient normalement produire jusqu’à 3 304 tonnes de matières résiduelles. Pourtant, plus de 90 % des déchets générés par cet imposant chantier estimé à 600 M$ y sont récupérés depuis son ouverture.

 

La station du REM ne fait pas figure d’exception parmi les travaux d’ADM, une société à but non lucratif, responsable de la gestion, de l’exploitation et du développement de YUL et de YMX Aérocité internationale de Mirabel. Que ce soit la construction du nouveau stationnement, l’agrandissement d’un tablier ou le démantèlement de l’ancienne aérogare, tous les chantiers y sont quasi zéro déchet. La raison est simple: ADM exige des entrepreneurs soumissionnaires le recyclage d’au minimum 90 % des résidus de construction pour tous les projets. Les exigences sont d’ailleurs inscrites dans un document faisant partie intégrante des demandes de soumission.

 

Jean-Pierre Bernier, chef Environnement et Développement durable et Laurie Talluto, directrice adjointe Développement durable et Climat sonore chez ADM Aéroports de Montréal. Crédit : Patrick DesRochers

 

« Avant même que les entrepreneurs mettent les pieds sur le terrain, nous nous assoyons avec eux et nous leur demandons ce qu’ils comptent faire des matières dangereuses, des résidus, des sols excavés. Ils savent dès le départ ce que l’on attend d’eux », explique Jean-Pierre Bernier, chef environnement et Développement durable, projets majeurs REM et infrastructures aéroportuaires chez ADM. Dans ce contexte, la communication entre le donneur d’ouvrage et l’entrepreneur est primordiale afin d’évaluer si les exigences sont respectées.

 

À CONSULTER

 

Respecter ses exigences

Les entrepreneurs doivent également répondre à des exigences sur la gestion de l’eau, les émissions de poussières, le bruit et les carburants utilisés, entre autres. « Les entreprises qui soumissionnent sur nos projets doivent prendre connaissance des exigences qui sont réalistes et réalisables et définir comment elles y répondront. Elles doivent les intégrer à leur façon de faire », raconte Laurie Talluto, directrice adjointe, Développement durable et Climat sonore chez ADM.

 

Si les exigences ne sont pas respectées lors des suivis réguliers du chantier, les entrepreneurs peuvent s’exposer à des pénalités financières. Ces exigences, qui sont mises à jour périodiquement et font l’objet d’une amélioration constante, s’appliquent à tous les grands projets, mais sont moins adaptées pour les petits projets, convient-elle.

 

Trier à la source

Sur le chantier du REM, situé en face de l’aérogare, les matériaux sont triés à la source, c’est-à-dire qu’ils sont triés sur place. Cette action permet de contrer le gaspillage en recyclant et récupérant les matériaux plutôt que de les diriger simplement vers les sites d’enfouissement. Des conteneurs, entre autres, pour les métaux, pour le papier carton ainsi que des conteneurs mixtes pour les matériaux qui sont difficiles à séparer sont installés sur le site du futur REM.

 

Par exemple, plutôt que de jeter des blocs de béton dans le conteneur à déchets, ceux-ci sont cassés afin de retirer l’acier d’armature. Les blocs de béton et l’acier peuvent ainsi être récupérés séparément. Les matériaux sont ensuite vendus pour une nouvelle utilisation. Lorsqu’il est impossible de trier les matériaux sur le terrain, ceux-ci sont envoyés dans une entreprise de tri qui fait le travail.

 

« Une bonne partie de notre roc est broyée et réutilisée sur les chantiers routiers. Nos résidus deviennent une matière première pour un usage qui est valable. Tout ce qui sort de nos chantiers peut avoir une valeur quelconque de revalorisation et de recyclage », indique Jean-Pierre Bernier. « Pour nous, le suivi et la traçabilité des déchets de construction sont très importants », ajoute Laurie Talluto. D’ailleurs, son organisation exige un bilan de traçabilité des matériaux de la part des entrepreneurs.

 

Une culture environnementale

Chez ADM, la gestion des résidus fait partie d’une vision plus large qui met l’environnement au coeur de ses actions, et ce, depuis déjà plusieurs années. Dès 2000, l’entreprise a mis en oeuvre un système de gestion environnementale certifié à la norme ISO 14001. Cette certification témoigne de l’engagement de la Société à diminuer son empreinte environnementale.

 

Ces dernières années, ADM a multiplié les initiatives en matière de gestion des matières résiduelles en suivant les principes des 3RV-E (réduction à la source, réutilisation, recyclage, valorisation et élimination). Récemment, l’entreprise a publié son Plan de durabilité 1.0 qui a pour objectif de décarboner les activités, privilégier l’humain et promouvoir un environnement sain et de qualité. Des cibles concernant, entre autres, les émissions de gaz à effet de serre, la gestion des matières résiduelles et le climat sonore y sont établies.

 

De plus, l’entreprise a déployé un programme de sensibilisation et de formation auprès de ses employés qui portent notamment sur la gestion environnementale des projets de construction, la gestion des matières dangereuses et la conduite écologique.

 

« Il y a un changement de mentalité chez les travailleurs comme dans la population en général. Il y a 20 ans, ça aurait été plus difficile d’implanter certains changements. Maintenant, les gens sont sensibilisés à l’environnement », observe le chef environnement.

 

Une culture environnementale

Selon lui, les entrepreneurs en construction ont tout intérêt à prioriser l’environnement, car ils peuvent, de cette façon, se créer une réputation auprès des donneurs d’ouvrage. « Si un entrepreneur veut avoir accès à des contrats d’envergure, il doit mettre l’environnement et le développement durable dans sa gestion. Cela demande une organisation importante, mais à long terme, c’est payant. »

 

D’ailleurs, les pratiques d’ADM commencent à attirer l’attention d’autres grands donneurs d’ouvrage qui adhèrent aux valeurs environnementales de l’entreprise. « Nous allons pouvoir servir d’exemple pour d’autres chantiers et encourager des pratiques environnementales », se réjouit Jean-Pierre Bernier.

 

PAS DE DYNAMITAGE

Comme le chantier du REM se déroule dans un secteur fréquenté par plusieurs personnes, le défi de maintenir les activités aériennes et de l’aérogare était important. Pour ce faire, ADM et Connect Cité ont utilisé une méthode alternative de creusage pour ensuite construire la station souterraine.

« Souvent, nous procédons par dynamitage pour ce genre de travaux. Toutefois, nous n’avons pas utilisé cette technique puisqu’il aurait fallu installer un périmètre de sécurité et il aurait pu y avoir des enjeux pour l’accès à l’aérogare », souligne Jean-Pierre Bernier.

AECON, qui fait partie de Connect Cité, a plutôt opté pour l’éclatage hydraulique du roc dans la tranchée. En plus de permettre l’accès à l’aérogare, cette façon de faire a permis de réduire le bruit et la poussière sur le chantier. « Cette méthode a été favorable pour éviter les nuisances à la collectivité », observe-t-il.