Malgré une forte reprise des travaux de voirie, la pénurie de main-d'œuvre freine la progression. L'adoption d'outils innovants pourrait résoudre ce défi.
Comme dans la plupart des secteurs de l’économie, la pénurie de main-d’oeuvre se fait sentir. Les entreprises oeuvrant en construction manquent non seulement d’ouvriers, mais aussi d’ingénieurs, de techniciens et d’employés administratifs. Une rareté qui se répercute sur l’exécution des travaux ainsi que sur l’adoption des nouvelles technologies, observe Pierre Tremblay, directeur des services techniques et innovation à l’ACRGTQ.
Améliorer les délais de réalisation
En raison de nos hivers rigoureux, la saison des travaux routiers dure environ six mois, parfois un peu plus si le début décembre est clément. Et il y a beaucoup à faire dans ce court laps de temps. Pour pallier le manque de maind’oeuvre, certains entrepreneurs doivent presser les équipes au maximum, par exemple en exécutant des travaux de nuit, pour parvenir à respecter les échéanciers. D’autres devront se résigner à prendre moins de contrats qu’à l’habitude, accroissant ainsi la pression sur le reste de l’industrie, qui peine déjà à répondre aux demandes des clients.
À cet égard, Pierre Tremblay voit d’un bon oeil l’arrivée de travailleurs étrangers, qui pourrait remédier en partie au problème à court terme. L’ACRGTQ est aussi en discussion avec la Commission de la construction du Québec afin de revoir la définition de certains métiers pour introduire un peu plus de polyvalence. « Ce sont des solutions qu’on est en train d’étudier pour améliorer le nombre d’heures de travail par personne, ce qui nous permettrait de réaliser les tâches ou le calendrier de travail demandés par les donneurs d’ouvrages », dit-il.
Une autre piste de solution se trouve dans la prévisibilité. Le directeur des services techniques et innovation donne l’exemple du Plan québécois des infrastructures (PQI), lancé par le gouvernement afin de déterminer et de planifier les travaux à venir pour les 10 prochaines années. « Pour les entreprises, on peut s’assurer d’engager des travailleurs et les convaincre de rester chez nous parce que l’on sait que l’année d’après, et l’autre année d’après, il va y avoir de l’ouvrage », illustre-t-il. Autre avantage pour les entreprises d’une plus grande prévisibilité : elles seront davantage à l’aise d’investir dans de l’équipement leur permettant d’être plus performantes.
Accroître l’adoption des nouvelles technologies
Une meilleure productivité passe souvent par l’adoption de nouveaux outils numériques, tels que le BIM. Toutefois, intégrer de nouvelles méthodes de travail demande une certaine adaptation, mais aussi une période d’analyse et de validation. « Si on a beaucoup de contrats à réaliser et qu’il manque de monde pour faire cette analyse- là, on ne va pas à la vitesse grand V dans l’implantation de nouvelles techniques », fait remarquer Pierre Tremblay. Il croit que le partage des connaissances est nécessaire pour accélérer l’adoption de ces technologies et pour accroître l’innovation.
Selon lui, cela passe notamment par de nouveaux modes d’octroi des contrats, dont les IPD, ou « Integrated Project Delivery » en anglais. « Ces nouveaux modes-là permettent une collaboration de tous les acteurs d’un projet, pour être capable de maximiser et d’utiliser les connaissances de chacun pour, dans certains cas, diminuer les délais, avoir des idées plus innovantes, introduire de nouvelles techniques de préfabrication par exemple », affirme Pierre Tremblay.
La préfabrication s’avère d’ailleurs une avenue intéressante à explorer. On pourrait imaginer préfabriquer des pièces en hiver, lesquelles seraient ensuite installées durant l’été. Une manière de gagner du temps et d’exécuter les travaux plus rapidement une fois la belle saison arrivée. Une manière aussi de garder occupés les travailleurs pendant la saison morte.
Pierre Tremblay estime que la règle du plus bas soumissionnaire conforme va perdurer, ce qui convient bien à certains types de projets. Mais pour des chantiers plus complexes qui demandent davantage de gestion — pensons à la circulation routière par exemple —, des modes alternatifs d’octroi et de réalisation basés sur la collaboration permettraient de faire des gains importants.
Maintenir les canaux de communication
L’expert souligne que plusieurs grands donneurs d’ouvrage, soit Hydro-Québec, le ministère des Transports du Québec, la Société québécoise des infrastructures, la Société d’habitation du Québec ainsi que les villes de Montréal et de Québec, se sont dotés ensemble d’une feuille de route pour la modélisation des données du bâtiment. Comme les parties impliquées doivent y indiquer le nombre et l’envergure des projets d’infrastructures dans lesquels le BIM sera déployé d’ici 2026, il s’agit d’une autre façon d’assurer une certaine prévisibilité aux entrepreneurs tout en les incitant à implanter la technologie.
Pierre Tremblay se réjouit de ces avancées, mais aussi de l’écoute grandissante de la part de tous les acteurs de l’industrie. Des tables de concertation permanentes avec le gouvernement ont d’ailleurs été instaurées afin d’échanger sur les pratiques et la réglementation. Selon lui, c’est en conjuguant leurs efforts que les entreprises privées et publiques peuvent améliorer la manière de construire au Québec. Et il souhaite que la communication se poursuive, car « c’est dans l’échange et dans la discussion avec tous les intervenants d’un projet que se trouve une bonne, pour ne pas dire une grosse, partie des solutions aux défis qu’on a présentement », conclut-il.
Cet article est tiré du Supplément thématique – Infrastructures et grands travaux 2023. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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