Avec la pénurie de logements qui sévit partout au Québec, les entrepreneurs en construction qui prennent sous leur aile des chantiers en régions éloignées pourraient connaitre certains défis en ce qui a trait à l’hébergement des travailleurs.
Règle générale, les entrepreneurs parviennent à trouver un hôtel ou une habitation de courte durée pour loger leur main-d’oeuvre. Dans la circonscription de Gaspé, où le taux d’inoccupation frise le 0,8 % selon les données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), la situation pourrait toutefois se compliquer.
Une masse importante de touristes afflue dans cette région lors de la période estivale et occupe une large partie des gites, laissant peu de place disponible pour les travailleurs. « C’est à peu près la seule région en ce moment où ça pose vraiment problème », fait savoir Guillaume Houle, porte-parole de l’Association de la construction du Québec (ACQ).
Ce même problème pourrait aussi se présenter au Saguenay–Lac-Saint-Jean où la saison touristique bat son plein en même temps que des chantiers sont lancés. En moyenne, environ 8 220 salariés par année seront actifs jusqu’en 2026 dans cette région, estime la Commission de la construction du Québec (CCQ).
« S’il y a un gros chantier en cours dans une région touristique, l’entrepreneur doit le planifier. Mais en ce moment, il n’y a pas de chantier qui nécessite de déployer une stratégie particulière », nuance le porte-parole.
La proximité de la main-d’oeuvre… et la pénurie
Si plusieurs contrats mobilisent jusqu’à 300 travailleurs, les travaux sont souvent réalisés de manière séquentielle, allégeant ainsi la tâche de trouver un lot d’endroits pour l’hébergement. Sur ce nombre, de 20 à 30 ressources peuvent être dépêchées sur place en même temps. D’autant plus, la main-d’oeuvre est généralement disponible dans la région ou à proximité du chantier qui a cours.
Avec le vieillissement des salariés dans l’industrie de la construction, la région du Bas-Saint-Laurent–Gaspésie aura besoin d’environ 310 nouveaux salariés d’ici 2026, estime la CCQ. Le manque de nouveaux diplômés se fait aussi sentir. En 2020, on comptait 81 diplômés contre 232 non-diplômés.
La pénurie de main-d’oeuvre, combinée à la crise du logement et au caractère touristique de cette région, pourrait devenir un casse-tête pour les entrepreneurs qui obtiennent des contrats de construction en région éloignée.
Les responsabilités de l’employeur
Les conventions collectives du milieu prévoient que les travailleurs devant se déplacer à plus de 60 kilomètres (km) de leur lieu de résidence doivent être compensés financièrement. À plus de 120 km du domicile, l’entrepreneur est dans l’obligation d’offrir un gite et les repas à ses employés. S’il n’est pas en mesure de le faire, il doit couvrir les couts afin qu’ils puissent eux-mêmes se loger. Un montant est alors prévu pour la location d’une chambre d’hôtel et pour la nourriture. En effet, l’entrepreneur est responsable de loger ses employés et de négocier des arrangements pour les repas.
D’ailleurs, lorsqu’il soumissionne pour un contrat de travaux de construction, « l’un des articles pour lequel il doit déposer un montant soumissionné est nommé “organisation du chantier”. Cet article permet d’estimer, entre autres, les frais d’hébergement et de repas de ses employés », fait savoir Émilie Lord, relationniste de presse et porte-parole pour le ministère des Transports du Québec (MTQ).
Lorsqu’il octroie un contrat à un soumissionnaire, le Ministère rémunère donc l’entrepreneur à la hauteur des couts qu’il a estimés pour cet article au bordereau. Dans son évaluation des couts, le Ministère procède à l’évaluation des frais reliés à l’organisation de chantier. « Cette estimation est utilisée pour évaluer la pertinence du cout soumissionné par l’entrepreneur, pour garantir un usage adéquat des fonds publics. Aucune prime n’est versée », ajoute Émilie Lord.
Des constructions temporaires
Dans des endroits plus reclus, comme la Baie-James ou la Côte-Nord, des entrepreneurs vont opter pour l’érection d’un bâtiment temporaire avec une cafétéria permettant de loger et de nourrir le personnel. Dans ce cas, les établissements sont soumis aux normes du code de construction de la Régie du bâtiment et à celles du Règlement sur la santé et la sécurité du travail. Les obligations générales en matière de santé et de sécurité du travail, prévues à l’article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, doivent aussi être respectées. Sur la Côte-Nord, la distance à parcourir entre le lieu de travail et le domicile des employés est tellement longue que certains entrepreneurs privilégient l’option de construire un campement.
Plusieurs avenues s’offrent donc aux entrepreneurs qui souhaitent loger leur main-d’oeuvre lors de la réalisation de projets en régions éloignées. Quelle que soit l’option retenue, il importe toutefois de bien s’informer au préalable.
Au troisième trimestre de 2022, la Baie-James a cumulé plus de 850 000 heures travaillées. Une augmentation de 15,2 % en comparaison avec 2021. Cette progression du volume de travail s’explique entre autres par les mises en chantier de deux maisons des ainés dans les villes de Chisasibi et Waskaganish.
Le projet d’usine de pales éoliennes par LM Wind Power a notamment occupé les travailleurs dans la région du Bas-Saint-Laurent–Gaspésie où on enregistre plus de 4,2 millions d’heures travaillées, soit 12,5 % de plus qu’en 2021.
Pour 2023, on s’attend cependant à un recul marqué des heures travaillées dans la région de la Côte-Nord, qui verra la fin de deux projets majeurs : celui de la Romaine ainsi que celui de la ligne électrique Micoua-Saguenay.
Source : Commission de la construction du Québec
Cet article est tiré du Supplément thématique – Projets 2023. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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