Un chantier vert pour le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine

15 juillet 2022
Par Isabelle Pronovost

Le projet de réfection du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine vise la carboneutralité. Aperçu des mesures prises pour atteindre cet objectif ambitieux.

Le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine fait actuellement l’objet d’une réfection majeure afin de le mettre aux normes après 50 ans d’usage. « C’est le seul comme ça, c’est un tunnel qui est unique et c’est la première fois qu’on le rénove avec autant de profondeur », souligne Gilles Payer, relationniste et porte-parole à la Direction générale des communications du ministère des Transports du Québec. Plusieurs équipements seront modernisés : ventilation, drainage, pompage, système de protection des incendies. Des fuites seront scellées. Les systèmes de transport intelligent – les lumières au plafond qui donnent des indications sur chaque voie – seront renouvelés et les caméras de surveillance, remplacées par des modèles plus avancés permettant la télédétection d’incidents.

 

Gilles Payer, relationniste et porte-parole à la Direction générale des communications du ministère des Transports du Québec. Crédit : MTQ

 

Les travaux comprennent aussi un réenrochement au-dessus de la structure afin de la maintenir au fond du fleuve. La surface de roulement sera refaite, incluant une portion de l’autoroute 25 jusqu’à la rue Sherbrooke ainsi que de certains éléments de la 20, se prolongeant parfois jusqu’à la rivière Richelieu. Des mesures de transport collectif ont été intégrées au projet, soit la création de voies réservées ainsi que l’ajout de 800 places de stationnement réparties dans quatre emplacements, dont un tout nouveau stationnement. Ces mesures visent à inciter les automobilistes à faire du covoiturage ou à utiliser les nouveaux circuits d’autobus mis en place en décembre 2021.

 

Réutiliser et valoriser les matériaux

Les travaux de l’an dernier en lien avec les stationnements incitatifs et la réfection de l’autoroute 20 ont été l’occasion de réaliser un des objectifs contractuels, soit la réutilisation et la valorisation de 80 % des matériaux. Par exemple, les sols extraits ont été entreposés sur des plateformes de stockage temporaire en vue d’une utilisation future. Mieux encore, le consortium responsable du projet – Renouveau La Fontaine – a réussi à réduire le volume de déblais à sortir en améliorant la conception des tranchées d’excavation.

 

Cette année, de nouvelles excavations ont lieu du côté montréalais dans le cadre de la réfection de l’autoroute 25 et de son réseau de drainage. Ces dernières génèrent une bonne quantité de pierres et de granulats qui, après analyse et traitement, peuvent également être réutilisés sur l’emprise. « Cela va nous permettre de réduire beaucoup de livraisons à l’extérieur du projet parce que, autrement, ces matériaux-là seraient partis vers les sites d’enfouissement », explique Andrea Aragon, directrice Environnement pour Renouveau La Fontaine. Selon elle, les gains sont à la fois économiques (réduction d’achat de matériaux) et environnementaux (diminution des transports vers et hors du site). « Les sols et les matériaux granulaires recyclés, ce sont deux très bons coups dans notre démarche environnementale », se félicite la directrice Environnement.

 

Économie circulaire et carboneutralité

Pour les matières qui ne peuvent être réutilisées sur le site, différentes filières de recyclage ont été prévues. Le béton démoli et l’asphalte sont envoyés vers des sites de valorisation. Plusieurs mètres de câblage ainsi que des lumières, des ventilateurs et des génératrices sont offerts à quelques villes et partenaires. Le ministère des Transports réemploiera quant à lui certaines lumières pour éclairer de futurs chantiers. Le tout dans un rayon de 10 kilomètres du projet afin de réduire les gaz à effet de serre (GES) liés au transport des marchandises.

 

Andrea Aragon, directrice Environnement pour Renouveau La Fontaine. Crédit : Gracieuseté

 

Autre mesure touchant le transport : 40 % du parc de véhicules est entièrement électrique, en particulier celui utilisé par les divers surveillants de chantier, une initiative contribuant à atteindre la carboneutralité visée par le projet. À cet effet, les émissions directes et indirectes de GES du projet sont comptabilisées et vérifiées par un organisme indépendant certifié. Selon Andrea Aragon, la comptabilisation est bien maitrisée, mais la compensation demeure un défi. Une partie de celle-ci sera intégrée aux projets d’aménagement paysager et des crédits carbone seront achetés. Pour le reste, Renouveau La Fontaine souhaite participer activement à une initiative verte. « Les trois critères du projet sont que ça doit être un projet local, ça doit être un projet permanent et ça doit être un projet vérifiable », précise-t-elle. Elle a quelques idées en tête, mais les ficelles ne sont pas encore toutes attachées. « C’est le fun de participer dans un projet local où on peut remettre des choses aux citoyens. »

 

Impliquer les employés

Andrea Aragon en convient : intégrer des mesures environnementales à un projet de construction peut faire peur, car les gens en ont souvent une vision coercitive. « Mais pour moi, l’environnement, plutôt qu’une contrainte, c’est une opportunité. C’est une opportunité de travailler ensemble. » Il s’agit aussi d’une occasion d’attirer une main-d’oeuvre qui pose de plus en plus de questions sur les démarches environnementales d’une entreprise avant d’accepter un emploi.

 

Au sein du consortium, un programme de reconnaissance a été mis sur pied afin de mettre en lumière les suggestions des employés. Parmi celles qui ont été retenues : l’utilisation d’un produit à base de résidus de betterave pour remplacer une partie des sels de voirie. Malgré une certaine crainte envers ce produit alternatif, l’idée a été adoptée l’hiver dernier avec des résultats concluants.

 

Les mesures vertes dans les projets de construction sont en voie de devenir la norme, de plus en plus de donneurs d’ouvrage l’exigeant, incluant le gouvernement. « Dans le rapport annuel de gestion du ministère des Transports, qui est publié chaque année, il y a un engagement hors de tout doute envers la carboneutralité des grands chantiers », indique Gilles Payer. « Ce n’est plus un choix, je dirais, c’est quasiment un devoir », conclut Andrea Aragon.

 

UN OISEAU ÉVEILLE LES CONSCIENCES

Un matin en arrivant au travail, des ouvriers découvrent un nid d’oiseau au milieu d’un stationnement. Un biologiste est dépêché sur le site et, après avoir obtenu les autorisations nécessaires, relocalise le nid du pluvier kildir en bordure du stationnement. L’oiseau a pu avoir ses bébés sans être dérangé, puis la petite famille a quitté les lieux, un événement qui a alimenté les conversations – et les albums photos – des employés pendant plusieurs jours.

« À partir de là, tout le monde a comme eu des yeux tout le tour de la tête  », raconte Andrea Aragon. Une personne a remarqué dans un fossé des poissons qui nécessitaient d’être relocalisés avant que ce dernier soit refait. Parmi les autres mesures d’atténuation qui ont été prises, mentionnons la protection des nids d’hirondelles de rivage, qui se trouvent un peu partout dans le projet, ainsi que des chevreuils qui déambulent sur l’île Charron.