C’est parti pour 10 ans de travaux visant à mener à bien la revitalisation du deuxième plus grand parc de Montréal – après celui du Mont-Royal –, un projet colossal d’une valeur se rapprochant du milliard de dollars. Redonner le bleu et le vert aux citoyens : voilà l’ambitieux Plan directeur de conservation, d’aménagement et de développement du parc Jean-Drapeau 2020-2030.
Alors que la nécessité de préserver la nature au sein de la ville devient de plus en plus pressante, la réhabilitation du parc Jean-Drapeau et son Plan directeur abordent de front l’aménagement du territoire, mais aussi tous les éléments liés à la gouvernance du Parc, à la préservation des lieux et à la situation plus large des enjeux de société en matière de parc urbain.
« Ce vaste document totalisant quelque 700 pages est l’aboutissement de trois ans de travail, de consultations de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) où six mille opinions ont été entendues, mais aussi d’activités avec des parties prenantes internes qui ont alimenté et contribué au cheminement et à l’élaboration de propositions qui s’y trouvent », indique Jonathan Cha, conseiller principal en aménagement à la Société du parc Jean-Drapeau. La mise sur pied d’un tel plan cible des questions clés d’ordre environnemental, patrimonial et d’expérimental en matière de parcs publics, et où se distingue un changement de vision du territoire quant au rôle du parc dans la société.
Plan exclusif pour un parc d’exception
Ce plan exclusif se veut le garant de la préservation de ce parc hors du commun qui à la fois intègre espaces verts et espaces bleus. Mais il constitue aussi le fil conducteur des actions de requalification et de rénovation au sein d’un site riche en valeurs historiques, architecturales et patrimoniales.
Bertrand Houriez, chef du service des projets majeurs à la direction, à la planification et à la gestion de projet à la Société du parc Jean-Drapeau, en sait quelque chose. « Le caractère exceptionnel du site tient à la diversité de ses actifs ainsi qu’aux différentes époques qui s’y sont succédé avec notamment la présence autochtone, les activités militaires, l’Expo 67 et les Jeux olympiques de 76. Conséquemment, il va de soi que le réaménagement du parc tient compte de toutes ces particularités, ce qui le rend, à bien des égards, unique en son genre. »
À l’heure actuelle, deux projets d’envergure ont été complétés et conservés dans le Plan directeur, soit l’amphithéâtre de l’Espace 67 et l’Espace Paddock de la F1, alors que d’autres sont en voie de réalisation. Comme l’explique Jonathan Cha, ces travaux s’effectuent sur le long terme et requièrent plusieurs phases. Parmi les premiers projets en cours, notons la réhabilitation du lac des Cygnes, la poursuite de la promenade riveraine sur les pourtours de l’ile Sainte-Hélène et la restauration majeure du mont Boullé. À ceux-ci s’ajoutent le Complexe aquatique et la Plaine des jeux, présentement en phase de conception- réalisation ainsi que la Place des Nations et la plage Jean-Doré figurant à l’étape d’avant-projets.
Dans le secteur central de l’ile Notre-Dame, la restauration des canaux du côté des Floralies compte parmi les projets clés qui verront le jour. « Et la liste s’allonge, poursuit-il, avec, entre autres, la reconstitution de la place publique jadis située près de l’ancien Pavillon du Canada, la création d’un système de passerelles au-dessus du circuit Gilles-Villeneuve, la transformation de la passerelle du Cosmos en un pont vert et la transformation du stationnement P8 en un morceau de parc contemporain. »
Afin de faciliter l’évaluation des couts et des échéanciers rattachés à ces projets, un plan de phasage des travaux représentant le territoire découpé en une trentaine d’identités paysagères a été établi avec des couts qui s’élèvent à près d’un milliard de dollars sur une période de dix ans. Du côté de l’ile Sainte-Hélène, par exemple, les travaux projetés pour la Plaine des jeux se dérouleront en deux étapes : dans un premier temps, la rénovation des bâtiments, puis la restauration de la Plaine. « L’objectif est de terminer ces travaux en 2024. La même date est retenue pour l’achèvement des travaux du mont Boullé », indique Bertrand Houriez. Pour ce qui est de la Place des Nations, il est prévu que les travaux prendront fin autour de 2024-2025.
Consultations publiques
Bien que des consultations publiques aient été menées principalement pour l’élaboration du Plan directeur, d’autres ont été réalisées auprès des parties prenantes externes au projet, notamment pour la Place des Nations, la Plaine des jeux et le complexe aquatique, où des experts de différents milieux académiques et professionnels sont intervenus. « Dans l’ensemble, précise Jonathan Cha, ce qui en est ressorti, c’est la volonté claire et nette de la population de retrouver un parc public, de privilégier un espace davantage axé sur le vert et le bleu, mais aussi de revoir la gouvernance du Parc, c’est-à-dire d’intégrer davantage la communauté dans les différents processus et de prendre conscience de l’importance de la mémoire et du patrimoine, mais aussi de la protection du territoire. »
Les défis du Plan, on s’en doute, sont nombreux. Mais aux yeux de Bertrand Houriez, le plus grand d’entre eux porte sur le retour de l’équilibre. « Le Plan directeur consiste en une révision complète du fonctionnement des iles afin d’avoir un meilleur équilibre entre les diverses activités qui s’y tiennent. La recommandation de l’Office de consultation induit des modifications et des transformations à l’intérieur du parc qui constituent de réels défis en termes de logistique, mais aussi pour tout ce qui a trait à l’utilisation des nouveaux espaces qu’il faudra repenser et concevoir différemment. »
Pour Jonathan Cha, l’enjeu réside dans la nécessité de se doter d’une structure de gouvernance en adéquation avec la nouvelle mission du parc Jean-Drapeau. « Le Parc est passé d’une mission d’administration, de développement et d’exploitation d’un site récréotouristique à une approche tout à fait différente de conservation, d’aménagement, de mise en valeur et de développement d’un grand parc urbain. Tout ceci exige une structure d’organisation et des processus pour s’assurer que toutes les actions du Plan et tous les projets pourront s’inscrire dans un même objectif. »
D’autres défis s’annoncent en lien, notamment, avec la préservation du patrimoine et les installations issues de ses différentes vocations. « Chaque époque est pertinente et importante, reprend-il. Mais chacune d’elles révèle aussi ses défis en matière de conservation, autant d’un point de vue des aménagements que d’un point de vue des bâtiments auxquels nous devrons trouver une vocation. Ainsi, nous nous sommes dotés d’un plan d’action en structure et bâtiment et d’un autre en conservation pour mener une série d’actions visant à protéger ces espaces et à nous assurer qu’ils seront maintenus en bon état. »
Et c’est sans compter les défis techniques que ce projet suppose. D’emblée, Bertrand Houriez pointe la question de coordination. « D’abord, nous sommes entourés d’eau et sur les deux iles, il y a des activités qui se tiennent. Ce sont des défis qui doivent être conjugués pour que les projets puissent être réalisés tout en permettant aux activités de s’y poursuivre. »
De tous ces enjeux de coordination risquent cependant de découler des échéanciers complexes à mettre en oeuvre, surtout si l’on tient compte de la durée du projet, qui doit s’étaler sur dix ans. « Il est essentiel d’enchainer l’intégralité de nos projets à un rythme régulier pour tout ce qui a trait à la prise de décisions, la coordination, la communication. En fait, toute la difficulté est là : c’est une question de rythme! », soutient Bertrand Houriez.
Des pratiques en matière de développement durable et de transition écologique s’inscrivent au coeur de la culture organisationnelle du Parc et se retrouvent dans toutes les stratégies et planifications qui se refléteront tout autant du côté de la protection des écosystèmes, de la programmation, que de celui de l’approvisionnement, de l’aménagement des espaces et des projets d’architecture. Comme le fait remarquer Jonathan Cha, « nous voulons mobiliser les parties prenantes autour du développement durable et nous voulons agir en qualité d’acteurs clés dans la transition écologique pour que le Parc devienne responsable et résilient devant les changements climatiques, tout en maintenant notre volonté de nous engager socialement, de contribuer à l’éducation et aux saines habitudes de vie de la population ».
Cet article est tiré du Supplément thématique – Projets 2022. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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