Le projet de réhabilitation du chemin de fer de la Gaspésie sur les rails

1 août 2023
Par Mathieu Ste-Marie

De Matapédia à Gaspé en passant par Caplan et Port-Daniel, le chemin de fer de la Gaspésie sera réhabilité plus de dix ans après l’arrêt de ses activités. La remise en état de cette voie ferrée fragilisée par l’érosion et la submersion côtières s’avère complexe, mais nécessaire pour le développement socio-économique de la région.

Surtout que cette infrastructure, située en majeure partie tout près de la berge, est plus que centenaire et longue de 325 km, soit la distance séparant Montréal et Baie-Saint-Paul. Tout au long de ce chemin de fer s’enchaînent 183 passages à niveau, 860 passages de ferme, 699 ponceaux, 33 murs de soutènement, un tunnel et 66 ponts, dont la construction remonte, pour certains, à la fin des années 1800.

 

Parmi ces structures, certaines seront remplacées alors que d’autres seront remises en état de service afin de permettre la reprise du transport passager et de marchandises sur l’ensemble du réseau. « Cette infrastructure a besoin de travaux majeurs pour être réhabilitée », souligne Michel Couture, chef d’équipe Ingénierie, pour le projet de réhabilitation du chemin de fer de la Gaspésie au ministère des Transports du Québec (MTQ).

 

Un tronçon déjà en service

Le gouvernement a mis ce projet majeur sur les rails en 2016, quelques mois à peine après avoir fait l’acquisition de la voie ferrée des mains de la Société de chemin de fer de la Gaspésie pour un montant de 3,85 millions de dollars. Quatre ans plus tard, la construction de deux nouveaux ponts à Cascapédia–Saint-Jules a permis aux trains de marchandises de circuler sur le tronçon entre Matapédia et Caplan.

 

Michel Couture, chef d’équipe Ingénierie pour le projet de réhabilitation du chemin de fer de la Gaspésie au ministère des Transports du Québec. Crédit : Ministère des Transports du Québec

 

En 2023, des travaux de maintien d’actifs se poursuivront sur ce premier tronçon. Un changement de traverse sur cinq ponts sera effectué alors que plus de 16 000 mètres linéaires de voies en courbe seront remplacés. Le deuxième tronçon, celui reliant Caplan et Port- Daniel-Gascons, est toujours en phase de réalisation, mais devrait être en opération dès l’an prochain. La reconstruction d’un pont à Caplan et d’un autre à Port-Daniel s’est terminée respectivement en 2021 et 2022.

 

Cette année, des remplacements de ponceaux et de structures ainsi que des déplacements de voie sont prévus. De plus, des travaux d’élargissement du tunnel de Port- Daniel-Gascons et la construction d’un mur de soutènement doivent se conclure.

 

La plupart des appels d’offres pour ce tronçon ont été publiés, mais d’autres s’ajouteront pour le remplacement de ponceaux. Ces travaux compléteront ceux déjà prévus à Hope Town, qui comprennent notamment la réfection des ponts ferroviaires au-dessus des rivières Paspédiac et de Saint-Godefroi.

 

Des défis imposants

Finalement, le tronçon entre Port-Daniel-Gascons et Gaspé est actuellement en planification. Le dossier d’affaires devrait être déposé incessamment au Conseil des ministres, qui devrait donner le feu vert à la construction de ce dernier tronçon. « On sent la volonté politique que le chemin de fer se rende jusqu’à Gaspé », se réjouit Éric Dubé, président de la Société de chemin de fer de la Gaspésie et maire de New Richmond.

 

Éric Dubé, président de la Société de chemin de fer de la Gaspésie et maire de New Richmond. Crédit : Gracieuseté

 

Si les choses se déroulent comme prévu, ce troisième tronçon représentera le plus gros défi de la réhabilitation de la voie ferrée. « Plus d’une vingtaine de voies ferrées sont en zone d’érosion côtière. Il y a deux décrochements rocheux, des failles dans le roc, et la voie doit être déplacée. C’est un grand défi technique, mais c’est faisable », soutient le maire, qui est également préfet de la MRC de Bonaventure.

 

En effet, ce tronçon comporte de nombreux enjeux liés aux conditions géologiques et côtières. « La voie ferrée emprunte des bancs de sable sur près de 15 km, dont certains segments ont été submergés. Plusieurs glissements de terrain sont également inventoriés », indique le MTQ.

 

Protéger ou consolider les structures

Selon Michel Couture, l’érosion des berges entraîne des défis techniques imposants. « Dans certains cas, il faut protéger l’ouvrage alors que dans d’autres cas il faut le consolider. Nous pouvons utiliser la protection par enrochement ou les murs de soutènement. Nous pouvons également déplacer la voie », explique l’ingénieur civil.

 

D’ailleurs, trois déplacements de voie sont prévus sur le troisième tronçon. Cette possibilité n’est toutefois pas toujours envisageable étant donné la disposition géographique du chemin de fer. « À droite, il y a la mer et à gauche les terrains de propriétaires. La voie ferrée est coincée entre les deux, ce qui rend difficile son déplacement. Nous sommes donc obligés de construire des infrastructures pour protéger la voie ferrée de la mer ou de la faire tenir en bordure d’une falaise qui, parfois, s’érode. » En plus des déplacements de voie, des travaux sont requis sur 23 des 24 structures majeures tandis que 120 ponceaux devront être remplacés. À l’heure actuelle, aucun échéancier n’a été dévoilé concernant ce troisième et dernier tronçon.

 

Des millions en investissements

Une chose est certaine: l’investissement gouvernemental est majeur. Déjà, l’injection de plus de 300 millions a été annoncée pour ce plus gros projet public de la région, constate Éric Dubé. Cette somme comprend notamment les travaux effectués pour la réfection et la reconstruction des infrastructures ainsi que les travaux de maintien des actifs. « Pour la Gaspésie, c’est le plus bel investissement et le plus bel outil qui nous est donné pour prendre notre développement économique en main », indique-t-il.

 

En effet, le chemin de fer de la Gaspésie, l’un des rares chemins de fer 100 pour cent régional, doit desservir les plus grandes entreprises de la Gaspésie, dont la cimenterie McInnis, qui y expédient des produits forestiers, de ciment, de pales d’éoliennes et autres éléments.

 

De plus, la réhabilitation du chemin de fer pourrait donner un coup de pouce à l’industrie touristique grâce aux wagons de passagers qui pourraient se rendre jusqu’à Gaspé. VIA Rail a toutefois l’intention d’attendre la réparation du rail jusqu’à Gaspé avant d’annoncer officiellement son retour dans la région après plus de dix ans d’absence.

 

Si la reprise des activités du train a un impact sur l’économie de la région, elle jouera également un rôle dans la lutte contre les changements climatiques. « Transporter de la marchandise par chemin de fer permet de retirer de la route des centaines de camions de livraison, ce qui n’est pas négligeable », souligne Éric Dubé. Comme quoi ce projet de réhabilitation permet de cocher toutes les cases liées au développement économique et durable !

 

LES TROIS TRONÇONS
  1. Matapédia à Caplan : en exploitation Ce tronçon de 126 km passe par les municipalités de Pointe-à-la-Croix, Carleton-sur-Mer et New Richmond, notamment.
  2. Caplan à Port-Daniel-Gascons : en réalisation Ce tronçon de 72 km traverse les municipalités de Bonaventure, New Carlisle, Paspédiac et Hope Town, entre autres.
  3. Port-Daniel-Gascons à Gaspé (tronçon 3) : en planification Entre le point de départ et le point d’arrivée, la voie ferrée traverse plusieurs municipalités, dont Chandler, Grande-Rivière et Sainte-Thérèse-de-Gaspé. Ce troisième tronçon s’étend sur une distance de 127 km, ce qui en fait le plus important des trois.