Une personne oeuvrant dans le domaine de la construction doit pouvoir travailler de façon sécuritaire, sans que plane le moindre danger qu’elle ne puisse rentrer à la maison au terme de la journée. C’est avec cette prémisse en tête que les gestionnaires d’Hydro-Québec affectés au chantier de la Romaine ont amorcé une réflexion visant à mettre en place des mesures concrètes pour limiter au maximum les accidents de travail.
Jusqu’à tout récemment, l’indicateur du taux de fréquence des accidents sur les chantiers pilotés par Hydro-Québec montrait d’excellents chiffres par rapport au taux global de l’industrie de la construction au Québec. Mais il y avait une ombre au tableau. Depuis l’ouverture du chantier de la Romaine, quatre accidents mortels avaient été dénombrés, le plus récent remontant à décembre 2016. Des décès tragiques qui sont venus assombrir le portrait global et sonner l’alarme.
Prise de conscience
La société d’État a alors décidé de faire le point sur la situation, mandatant la firme ERM, spécialisée en santé et sécurité, afin d’effectuer un diagnostic directement sur le chantier de la Romaine. Des différents constats auxquels mena cette analyse exhaustive, c’est un niveau de tolérance trop élevé face au risque et une communication parfois difficile avec les différents entrepreneurs qui retinrent l’attention. Diverses mesures ont ensuite été mises en place afin de rectifier la situation. « Nous avons d’abord mené une campagne sur le plan de la conscientisation. Nous avons travaillé sur le comportement des gens », explique Stéphane Jean, chef de chantier à la direction principale – Projets de Production du chantier la Romaine-4.
« Nous nous sommes fixé deux objectifs : ne plus avoir d’accident grave ou mortel au chantier et devenir des leaders en santé et sécurité au Québec. Mais il fallait le faire en impliquant tous les intervenants. » De fait, Hydro- Québec a oeuvré de concert avec les travailleurs, les entrepreneurs et les syndicats pour s’assurer que tout le monde allait dans la même direction.
« Par exemple, contrairement à ce qu’on voit souvent sur les routes du Québec, alors qu’il y a une certaine tolérance vis-à-vis de la limite permise, nous avons décidé de ne tolérer aucun écart sur la route qui mène aux quatre centrales de la Romaine. On a appliqué le même principe de la tolérance zéro en ce qui a trait à la vitesse au chantier. Ce sont les travailleurs eux-mêmes qui ont soulevé le point », précise l’ingénieur de formation.
Suivant l’adoption de cette mesure, les fautifs se voient désormais remettre des billets qui, après une certaine accumulation, peuvent mener à une exclusion du chantier. L’application d’une telle sanction est toutefois précédée d’un processus de gestion de la rigueur visant à vérifier si le travailleur connait la norme et si le geste était auparavant toléré.
Changement de mentalité
Au-delà de l’implantation de moyens coercitifs, Hydro- Québec cherchait surtout à changer la mentalité de ses travailleurs. Car, comme dit le proverbe, la prévention vaut mieux que la répression.
Le premier message, soit celui de la tolérance zéro vis-à-vis de la vitesse sur la route, avait également une valeur symbolique; il a en quelque sorte servi de base pour la mise en place d’autres mesures. Du lot, le port de la ceinture de sécurité en tout temps, l’identification des véhicules avec des drapeaux de couleur orange, le braquage des roues, l’interdiction du cellulaire au volant et le stationnement à reculons obligatoire.
« On a travaillé sur le leadership des gens. Nous avons donné des formations à notre personnel afin de s’assurer qu’il aura les outils pour intervenir devant une situation de danger potentiel et pour aborder un travailleur de la bonne façon. Notre but n’est pas d’avoir une approche répressive, au contraire. Nous souhaitons encourager les bons comportements et, surtout, que les gens parlent de santé et sécurité », précise M. Jean.
Une autre mesure appliquée afin de maximiser la sécurité concernait les travaux en surplomb. Alors que la hauteur obligatoire pour s’attacher était auparavant de trois mètres, il est maintenant requis de porter un harnais à une hauteur de 1,8 mètre. Un standard plus exigeant que ce qu’impose la loi, mais nécessaire vu l’important nombre d’incidents associés aux chutes.
« On doit inspecter son harnais et s’attacher selon une procédure qui assure un maximum de sécurité. L’idée est de faire prendre conscience au travailleur qu’il n’applique pas ces mesures pour faire plaisir à Hydro-Québec. Il le fait pour lui en tout premier lieu », ajoute M. Jean.
Par ailleurs, 13 dangers critiques ont été identifiés sur le chantier de la Romaine à la suite de l’analyse de la firme ERM. « Pour chacun des dangers critiques, nous sommes à déployer des actions ciblées afin d’améliorer la sécurité des travailleurs. Par exemple, nous avions un danger critique d’incendie dans un tunnel en construction. Pour améliorer la sécurité, nous avons décidé d’y interdire la présence de vé hicules à essence », détaille Stéphane Jean. Un autre risque concernait les véhicules en mouvement. Un règlement permettant de protéger les piétons et les véhicules légers a donc été mis en place. Un travailleur de nuit a désormais l’obligation de porter une lampe frontale en tout temps. Des passages piétonniers ont aussi été installés afin d’isoler les marcheurs de la portée des véhicules.
L’identification des dangers potentiels se veut un outil de choix pour assurer la sécurité d’un travailleur. Cet instrument a servi de tremplin pour l’établissement d’une analyse sécuritaire de tâche (AST), laquelle oblige les employés à prendre un moment pour analyser leur environnement et prêter attention aux risques potentiels.
Implication des gestionnaires
Toujours dans un souci de promouvoir les bonnes pratiques sur le chantier, des gestionnaires d’Hydro-Québec s’assurent d’assister aux réunions de début de quart. « Ces réunions servent à identifier les risques et les dangers critiques des travaux à réaliser au cours de la journée. Nous sommes là pour écouter les travailleurs, entendre leurs craintes et intervenir rapidement en cas de besoin », mentionne M. Jean.
« Chaque réunion de début de quart s’effectue en présence d’un géologue qui écoute les préoccupations des travailleurs au sujet du roc, ce dernier présentant des défis particuliers à la Romaine-4. Le spécialiste peut aller vérifier et évaluer le niveau de risque. C’est important ce que nous disent les travailleurs : ce sont eux qui sont nos yeux et nos oreilles sur le terrain. »
Bilan positif
Une année après la mise en place de cette gamme de nouvelles mesures, l’entreprise n’a dénombré aucun accident grave sur le chantier de la Romaine, pouvant ainsi s’enorgueillir de ces résultats indéniables.
« Un changement de comportement ne s’effectue pas en un clin d’oeil. Il faut répéter, instaurer une mentalité différente et conscientiser les gens. Quelques mois ont suffit pour que ces mesures fassent partie des us et coutumes sur le chantier.
« De plus, l’ambiance s’est améliorée, autant entre les travailleurs qu’entre les entrepreneurs et les gestionnaires; c’est gagnant-gagnant. Ce n’est pas l’affaire d’un responsable ou d’un gestionnaire, c’est un travail d’équipe », conclut M. Jean.
Hydro-Québec a récemment décidé de modifier son approche et sa culture en matière de santé et sécurité. Le chantier de la Romaine a servi de pierre d’assise pour procéder à cette transformation.
« À la Romaine, on a vécu la première étape de notre virage en santé et sécurité.
« Pendant qu’il s’y passait des choses concrètes, des discussions se sont mises en branle partout sur les autres chantiers. Ça a pris de l’ampleur à l’échelle de l’entreprise. Nous n’avons pas attendu de voir les résultats inhérents à un chantier en particulier. Nous avons emboité le pas partout », indique M. Jean.
Après une journée de travail, l’important est avant tout de rentrer sain et sauf. C’est le message fondamental transmis aux gens sur le terrain; ne jamais hésiter à lever la main et faire connaitre ses préoccupations sur des dangers potentiels.
« Chez Hydro-Québec il n’y a aucun impératif de cout et de chantier qui va passer avant la sécurité des intervenants. Nous n’hésitons jamais à marquer un point d’arrêt avec les travailleurs. Vous avez un problème, parfait. Nous allons aller voir et nous assurer que tout est sécuritaire. »
Cet article est tiré du Supplément thématique – Santé et sécurité 2018. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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