Le 27 octobre dernier, la Ville de Québec était l'hôte de la 19e édition de l'événement Contech, rendez-vous annuel incontournable pour l'ensemble des professionnels du secteur du bâtiment. Encore une fois cette année, en plus du volet exposition commerciale regroupant les principaux acteurs œuvrant dans le domaine de la construction, les visiteurs ont pu assister à plusieurs conférences et ateliers portant sur divers sujets, aussi variés les uns que les autres. En tête de liste, véritables faits saillants de la journée, deux conférences traitant de Building Information Modeling (BIM), un paradigme de conception qui frappe à nos portes et qui risque fort de provoquer des bouleversements majeurs dans l'industrie.
En avant-midi, une première conférence sur le BIM, donnée par Daniel Forgues, professeur en gestion de projet et construction durable au département de génie de la construction à l'École de technologie supérieure, a permis de jeter les bases des discussions à venir en après-midi dans le cadre d'une table ronde portant sur le même sujet.
Paradigme de l'avenir
Le BIM, c'est quoi déjà ? Nul doute que le concept est vaste, beaucoup plus que la « simple » utilisation du logiciel Revit en remplacement d'AutoCAD. Revit n'est en fait qu'un outil, parmi tant d'autres, permettant d'encadrer une approche BIM, soit la conception, la mise en plan, l'érection, la mise en service et l'exploitation d'un bâtiment axées sur l'échange et la collection d'informations, toutes échelles confondues (allant de la composition détaillée d'une fenêtre jusqu'à la maquette de structure complète). Il va de soi qu'une telle approche modifiera considérablement les aspects contractuels et administratifs relatifs à un projet, un défi de taille qui nécessitera beaucoup de volonté de la part d'une industrie qui, avouons-le, a souvent démontré une grande inertie face au changement.
Néanmoins, tel que le mentionnait M. Forgues, le BIM, à l'image de LEED qui occupe désormais une place de choix dans le quotidien de plusieurs professionnels de la construction, est appelé à envahir tôt ou tard le marché pour le meilleur (espérons-le) et pour le pire (diront certains). Le BIM, à la fois si loin de par les nombreuses adaptations méthodologiques qu'il commandera et si proche, car déjà bien ancré chez nos voisins américains et albertains où les gouvernements l'exigent pour la conception de projets publics. Certes, comme l'ont démontré plusieurs études de cas, le BIM semble prometteur, ayant plus souvent qu'autrement mené à des réductions de coûts, au respect des échéanciers et à l'innovation grâce à une gestion améliorée de la complexité. Cependant, son application cause et causera encore longtemps de nombreux maux de tête. Pour le constater, rien de mieux que l'essayer.
Expériences diverses
C'est d'ailleurs ce qu'ont fait les participants à la table ronde en après-midi. Martin Lavergne, jeune architecte œuvrant chez Hudon Julien et Associés à Québec, a été le premier à prendre la parole. Selon lui, malgré leurs défauts, le BIM et LEED représentent des tendances lourdes et il est impensable de faire marche arrière face à leur implantation puisqu'ils ont beaucoup à offrir. Par contre, M. Lavergne souligne que l'implantation du BIM lors des phases conceptuelles préliminaires apparaît ardue en raison de la rigidité des outils tels que Revit. Beaucoup de travail reste à faire, autant en ce qui a trait à l'amélioration des outils qu'à leur intégration au processus de création. Pour ce qui est des phases plus avancées d'exécution, Revit semble bien servir les équipes techniques.
Dans le même ordre d'idées, Luc Jolicoeur, deuxième intervenant de la table ronde, associé et directeur au bureau de Québec chez CIMA+, a lui aussi mentionné son intérêt pour le BIM et son implantation au cœur des pratiques de l'ingénierie. Une plus grande synergie entre les différents partenaires de conception ne peut mener qu'à de meilleurs résultats. Pour sa part, Yvon Chabot, directeur chez Budget Construction Solutions inc., a parlé des avantages que lui offre un logiciel tel que Revit dans la pratique de sa profession. La précision et la fiabilité des estimations budgétaires que son équipe est en mesure de produire assurent un meilleur suivi et évitent de mauvaises surprises aux donneurs d'ouvrage. Ainsi, tous s'entendent pour dire que malgré l'investissement considérable qu'il représente pour la majorité des firmes à court terme (nouveaux logiciels, formation du personnel, refonte du processus de conception et des méthodes de travail au sein d'équipes multidisciplinaires), le BIM semble être l'approche à privilégier pour assurer la réalisation de projets durables et innovants. L'avenir nous dira bientôt si ces professionnels, visionnaires à leur façon, auront su faire les bons choix.
L’auteur est stagiaire en architecture chez Hudon Julien et Associés, bénévole au sein de la section du Québec du CBDCa et membre de Ecoopération, une coopérative offrant divers services de consultation en architecture durable.