Obtenir des contrats à l'étranger : quels sont vos droits et obligations?

29 mars 2023
Par Sandra Soucy

Se lancer dans l’aventure entrepreneuriale, que ce soit dans son pays d’origine ou non, constitue un défi en soi. Alors, comment bien se préparer pour oser le pas vers l’international ?

Des précautions s’imposent pour que l’entrepreneur se donne les meilleures chances de succès pour les projets qu’il souhaite réaliser ici comme à l’étranger. Comprendre les enjeux et connaitre les démarches à accomplir constituent certains des maillons essentiels à cet égard. Mais au préalable, il est primordial de prêter attention au projet qui lui est proposé et d’évaluer la nature du contenu contractuel dans lequel il devra naviguer. « Chaque cas est un cas d’espèce », rappelle Vassilis Fasfalis, avocat associé en droit de la construction, infrastructures et droit des affaires pour la firme Langlois Avocats. En matière de droits et obligations d’un entrepreneur, il est impératif de savoir quel sera le système juridique qui s’appliquera.

 

Savoir bien s’entourer

Bien qu’au Canada l’industrie de la construction soit assez homogène et partage beaucoup de ressemblances avec ce qui se fait au Québec, elle comporte toutefois des particularités locales propres à chaque juridiction, et ce, même si ces dernières partagent certains dénominateurs communs. « Un entrepreneur qui voudrait, par exemple, obtenir des contrats gouvernementaux au Nunavut aurait tout intérêt à s’entourer d’experts sur place afin de bien comprendre la réalité du marché.

 

Vassilis Fasfalis, avocat associé en droit de la construction, infrastructures et droit des affaires pour la firme Langlois Avocats. Crédit : Langlois Avocats s.e.n.c.r.l.

 

« Ce n’est pas obligatoire, mais c’est fortement recommandé, fait savoir Me Fasfalis. Avoir recours à un entrepreneur local comme partenaire permettra d’éviter bien des problèmes, cela pourrait aider notamment à se retrouver dans les méandres administratifs au sein de l’appareil gouvernemental en place, mais aussi à devenir bien au fait des us et coutumes dans le but d’éviter tout faux pas. »

 

Comme on peut s’y attendre, établir des partenariats efficaces avec des alliés sur place représente aussi un atout de taille sur la scène internationale, que l’on oeuvre dans les pays développés ou dans les pays émergents, puisque les obligations risquent d’y être différentes. « Dans le cas où un projet se tiendrait en Afrique ou en Asie, par exemple, il sera de mise de faire affaire avec des avocats locaux pour bien comprendre quelles sont les particularités juridiques qui vont s’appliquer, souligne René-Martin Langlois, avocat associé en droit de la construction et infrastructures pour la firme Langlois Avocats. Toutefois, il est important de savoir que l’on utilise beaucoup de contrats normalisés à l’échelle internationale, que l’on pense à titre d’exemple aux contrats de la FIDIC (Fédération internationale des ingénieurs-conseils) qui sont fréquemment utilisés en Asie, et ce, plus particulièrement en Inde, à Singapour, à Hong Kong, bref dans toutes les juridictions qui ont un héritage anglais. »

 

Une question de régime juridique

Me Fasfalis est bien d’accord. « Dans les pays émergents d’Afrique, d’Asie du Sud-Est et du Moyen-Orient, il arrive fréquemment pour diverses raisons d’ordre pratique, de familiarité, et de prévisibilité, que les parties choisissent le régime juridique d’un pays, comme celui de l’Angleterre, au lieu du régime local. Particulièrement pour les grands projets complexes. »

 

René-Martin Langlois, avocat associé en droit de la construction et infrastructures pour la firme Langlois Avocats.  Crédit: Langlois Avocats s.e.n.c.r.l.

 

Bien entendu, il est fortement recommandé de prendre le temps nécessaire pour examiner les règles qui s’appliquent au-delà du contrat. « Ainsi, pour chacune des juridictions, reprend Me Langlois, il faudra se demander s’il y a des considérations juridiques propres au régime local dont il faudra tenir compte quant aux droits et obligations des parties, et ce, indépendamment de ce que le contrat pouvait prévoir entre les parties. »

 

Dans le cadre de l’environnement légal et réglementaire, l’entrepreneur général devrait porter attention au choix du régime juridique qui sera appliqué avant de décider de prendre part à une telle aventure, principalement à l’extérieur du Canada. « Est-ce que ce sera le régime local de la province, celui de l’État où les travaux de construction seront exécutés, ou encore un autre régime juridique qui s’appliquera par entente entre les parties, comme celui de l’Angleterre qui est souvent utilisé lors des transactions des projets internationaux ?, soulève Me Langlois. D’autres préféreront avoir recours à l’arbitrage international qui permet aux parties de différentes juridictions, origines linguistiques et culturelles de résoudre leurs différends devant des arbitres et qui est le véhicule le plus utilisé lorsque des différends surgissent lors de projets d’envergure entrepris à l’étranger. »

 

Construire ses repères

Être bien préparé est la condition préalable et essentielle au succès pour la réalisation des projets à l’étranger. Pour les entrepreneurs qui en sont à leur première expérience, il est certain que le recours à un avocat spécialisé est une ressource incontournable qui permettra d’échapper à nombre de difficultés.

 

« Faire appel à un avocat peut constituer un bon outil de départ pour bénéficier de certains réseaux de contacts que nous avons constitués au cours d’expériences acquises à travers notre pratique, notamment au sein de certains services gouvernementaux, indique Me Fasfalis. De plus, il existe notamment des organismes comme Montréal International et Québec International qui possèdent une expertise cueillie au fil des années avec des contacts à l’étranger. Il y a aussi des cercles d’affaires mis en place dans plusieurs pays, dont celui créé tout récemment, le cercle d’affaires Sénégal-Québec-Canada, qui ont pour mission de favoriser le réseautage et le développement d’affaires entre les différentes organisations ayant des liens et des intérêts commerciaux et économiques communs. Bref, tous ces organismes possèdent une vision, une connaissance et une expérience exhaustive des différents devoirs, obligations et aspects financiers dont il faudra tenir compte avant de se lancer dans une telle aventure à l’extérieur du Québec. »

 

Et en cas de problème ?

Si un conflit de non-respect des droits ou des devoirs survient, l’entrepreneur doit s’assurer de bien connaitre les dispositions de son contrat qui régissent la résolution de conflits. « Il est fort probable que la réponse se trouve à l’intérieur même du contrat, soutient Me Fasfalis. L’avocat veillera à ce que l’entrepreneur ait bel et bien lu son contrat et ensemble, ils pourront repérer les dispositions pertinentes sur la résolution de conflits. Et si cela ne fonctionne pas, ils pourront avoir recours à la médiation. Et si celle-ci n’apporte aucun résultat, il reste toujours l’arbitrage. » « Quoi qu’il en soit, ajoute Me Langlois, il sera toujours de mise de considérer le contexte géopolitique et de garder en tête que l’on est à l’étranger, d’avoir cette sensibilité, et ce, particulièrement dans les pays émergents. »

 

Si Me Fasfalis a un conseil à donner, ce serait de s’investir dans la relation d’affaires avec ses partenaires locaux en allant sur les lieux du projet. « Selon mon expérience, plus les dirigeants du projet iront rencontrer les gens, mieux le projet se portera parce que peu importe où on se trouve dans le monde, les gens attachent beaucoup d’importance, surtout dans le domaine de la construction, à voir ceux qui ont remporté le contrat afin de pouvoir discuter avec eux. Il ne faut surtout pas faire l’erreur de déléguer cette tâche à quelqu’un d’autre, conclut-il. »

 

QUATRE THÈMES À NE PAS OUBLIER

En matière de droits et obligations, un entrepreneur québécois voulant faire affaire à l’extérieur du Québec devrait prêter une attention particulière aux quatre thèmes suivants :

  1. Environnement légal et réglementaire
  2. Aspects financiers et fiscalité
  3. Gestion des risques
  4. Environnement local qui embrasse les différences culturelles et linguistiques

« Toute sa réflexion, de manière générale, portera sur ces quatre grands thèmes, observe Me Langlois. L’entrepreneur devra d’interroger en amont du projet sur les risques qu’il est susceptible de rencontrer lors de l’exécution des travaux et sur les mesures qu’il pourra mettre en place pour les gérer et les mitiger adéquatement. »