Le Mur porteur a choisi le modèle coopératif pour les valeurs d’équité, de démocratie et de solidarité propres à cette forme juridique de l’entreprise.
Si elles sont présentes dans presque tous les secteurs de l’économie québécoise, les coops sont toutefois peu répandues dans l’univers de la construction. Le Mur porteur, une des rares coopératives de travail du Québec à oeuvrer en construction, n’a pourtant pas hésité à choisir cette forme juridique pour donner une voix à ses valeurs sociales et environnementales.
C’était au printemps 2015. Jérôme Boudreault, un charpentier- menuisier doublé d’un ébéniste chevronné, se reconnait de moins en moins dans l’industrie, qu’il juge rigide, sexiste et hiérarchisée. « Jérôme ne se sentait plus à sa place dans l’industrie, il voyait que ses valeurs ne correspondaient pas au modèle conventionnel, relate Jean-Michel Hébert, coordonnateur et également membre fondateur du Mur porteur avec Geneviève Demers et Guillaume Dehaes. « Pour lui, c’est plus important d’être au service de la communauté que de viser le profit à tout prix, poursuit-il. Et il croit dans un mode de gestion horizontale, où l’employé se retrouve au centre de l’organisation et contribue à sa croissance en participant à la prise de décision. C’est comme ça que l’idée lui est venue de fonder une coopérative de travail en écoconstruction et en écorénovation : pour exprimer ses valeurs sociales et environnementales. »
Mais qu’est-ce au juste qu’une coopérative de travail ? C’est une entreprise gérée démocratiquement et contrôlée par l’ensemble de ses membres, qui en sont propriétaires. Son but, comme toute entreprise, est de viser la rentabilité mais en mettant toutefois la priorité sur le capital humain plutôt que sur le capital financier. De plus, ses orientations sont définies par ses membres de façon égalitaire et équitable, tandis que les profits générés sont redistribués en fonction du travail fourni par chacun.
Être maitre de soi
« Notre but, ce n’est pas de devenir une méga entreprise de construction ni de nous développer à grande échelle, confie Jean-Michel Hébert. Ce qu’on veut, c’est faire des projets de qualité, en lien avec nos valeurs et qui nous ressemblent. » Le modèle coopératif permet en effet au Mur porteur d’être maitre de ses chantiers, et offre à ses membres la possibilité de choisir les projets à réaliser en fonction des valeurs et des objectifs définis en collégialité. La coop compte d’ailleurs à son actif plusieurs réalisations à saveur écologique, autant résidentielles que commerciales, dans les secteurs de Saguenay, de Saint-Fulgence et de Sainte-Rose-du-Nord, de même qu’à l’Anse-Saint-Jean et ailleurs le long du fjord du Saguenay.
Afficher ses couleurs
La transparence est un autre aspect du modèle coopératif qui a interpellé les membres du Mur porteur, rapporte Jean-Michel Hébert. « On aime la structure économique et organisationnelle parce que c’est un modèle de gestion d’entreprise démocratique, piloté par ses membres, dit-il. On aimait aussi l’idée de mise en commun des ressources et de répartition financière équitable. Et comme on oeuvre dans un secteur d’activité à caractère social, on se doit de faire preuve de transparence. C’est le but de la coop. »
Histoire d’éviter toute mauvaise surprise à leurs clients et de livrer des travaux au plus juste prix possible, les quatre membres fondateurs du Mur porteur ont procédé, l’an dernier, à un examen approfondi de leurs processus d’affaires. Depuis, la coopérative de Saguenay ne travaille plus à forfait ni ne prélève de pourcentage sur les fournitures de matériaux et de services. Tous les projets font désormais l’objet d’une facturation établie selon un taux horaire.
Avoir un réel impact
Les membres de la jeune coopérative vont encore plus loin dans leur implication communautaire. Convaincus que le logement social est l’un des principaux leviers de lutte contre la pauvreté, ils proposent à leurs clients de verser 1 % du cout de leur projet dans un fonds qui servira éventuellement à promouvoir le logement social au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Le Mur porteur s’engage du coup à doubler ce montant, jusqu’à concurrence de 200 dollars par contrat.
« Notre but, c’est de poser des gestes concrets qui vont avoir un réel impact dans la vie de nos concitoyens, expose Jean-Michel Hébert. Jusqu’ici, on se contentait de réaliser les projets de nos clients. Maintenant, on veut s’impliquer davantage dans le développement de nos propres projets, on veut concrétiser notre vision du bâtiment.
Entièrement fondé sur la démocratie, le modèle coopératif place l’humain au coeur de son fonctionnement. Chaque membre dispose ainsi d’une voix pour donner son avis sur les grandes orientations proposées pour sa coop. « On est en processus de recrutement présentement, mais ce n’est pas évident, relève Jean-Michel Hébert. Ce n’est pas naturel pour les travailleurs de vouloir faire partie de l’entreprise et ce n’est pas facile pour nous de trouver des gens en accord avec nos valeurs. »
Il rappelle du même souffle que les membres profitent de conditions de travail favorisant le développement personnel grâce, notamment, à une semaine de travail de 36 heures réparties sur quatre jours et à neuf semaines de vacances par année. Coopérative ou pas, il y a une vie après le travail !
Cet article est tiré du Magazine – Les Leaders de la construction 2020. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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