Actuellement alimenté à plus de 99 pour cent (%) par les énergies hydroélectriques, le Québec pourrait bientôt combiner les ressources grâce à la construction de deux centrales photovoltaïques sur la rive sud de Montréal, dès l’automne prochain.
Concentré sur les ressources hydrauliques depuis sa fondation, Hydro-Québec se targue aujourd’hui de proposer à ses clients une énergie propre et renouvelable aux tarifs les plus bas d’Amérique du Nord. Cela étant, et malgré le peu d’avantages que représente actuellement un investissement dans des panneaux solaires pour un particulier, il apparait que ce type d’énergie devrait rivaliser avec l’hydraulique d’ici quelques années.
La société d’État a donc décidé de réagir de manière proactive dans le cadre de son Plan de transition stratégique 2020-2024 en intégrant à son parc une nouvelle ressource qu’elle développera plus ou moins selon les observations tirées de cette première expérience. « On ne veut pas entrer en compétition avec le phénomène croissant d’autoproduction. Il s’agit pour nous de répondre aux besoins des consommateurs du Québec, avec nos propres moyens. Les questions sont : la filière solaire est-elle intéressante pour notre parc et comment peut-elle s’y intégrer? », indique Roger Gosselin, vice-président, Planification, stratégies et expertises, Hydro-Québec Production.
Un marché en évolution
Pour appuyer ses décisions, Hydro-Québec tiendra compte de l’évolution des marchés industriel et résidentiel ainsi que de la demande et de sa capacité de production. Son contrat avec Churchill Falls arrivant à échéance en 2041, il est fort possible que la société ne puisse plus compter sur la production provenant de cette installation du Labrador. D’où l’intérêt stratégique de développer une expertise sérieuse dans le solaire, dont les couts de construction et de revient ont chuté considérablement durant les dernières années, environ 75 %, et dont le développement se montre particulièrement rapide, de quelques années contre 15 ans pour une centrale hydroélectrique.
Le solaire constitue toutefois une source intermittente, contrairement à l’hydroélectricité qui possède un potentiel continu. Hydro-Québec entend bien conserver cet avantage en associant les différentes énergies, et ainsi se positionner avantageusement dans l’exportation de ses productions vers les États-Unis, dont le Nord-Est a d’ambitieux objectifs de réduction des GES. Mais avant de penser plus grand, l’objectif est d’abord d’agir à petite échelle afin de tester le potentiel d’un créneau en plein essor vis-à-vis du parc de production existant, et ainsi répondre intelligemment et à long terme aux besoins du Québec.
La Rive-Sud comme banc d’essai
Deux parcs solaires seront donc construits en 2020 sur des terrains appartenant à Hydro-Québec. Dans la ville de La Prairie, le parc s’installera sur le site de l’ancienne centrale thermique de La Citière. Ses 26 000 panneaux se déploieront sur une superficie de 150 000 mètres carrés (m2) et présenteront une puissance installée de huit mégawatts (MW), pour une production annuelle de 13 gigawatts-heure (GWh). À Varennes, 4 600 panneaux se déploieront sur 56 000 m2, pour une puissance installée de 1,5 MW et une production annuelle de 2,6 GWh.
Le parc de Varennes sera quant à lui destiné à l’expérimentation de différents types d’équipements tels que des panneaux simples et bifaces (les seconds pour capter la réflexion des rayons lumineux sur la neige), des panneaux suivant la course du soleil, ou encore de valeurs d’espacement variables entre les rangées. Hydro-Québec entend ainsi déterminer les techniques les plus efficaces, en même temps qu’elle compte éliminer les doutes liés à leur implantation dans nos régions, notamment l’adaptation aux conditions hivernales et au niveau d’ensoleillement ainsi que les impacts du raccordement avec le réseau existant.
Une collaboration entre l’Université de Sherbrooke et l’Institut de recherche d’Hydro-Québec permettra d’apporter des réponses à ces questions grâce au traitement scientifique des données et en vue de l’optimisation des activités de la société. « Développer une expertise sur la base d’une vraie centrale dont l’énergie sera déversée sur notre réseau de distribution va nous permettre d’acquérir une connaissance très précieuse. Nous savons que des décisions devront être prises dans les années à venir et nous voulons avoir en main tous les arguments afin d’agir de manière éclairée, et, plus encore, compétente », mentionne Francis Labbé, chargé des affaires publiques et médias chez Hydro-Québec.
Encourager l’expertise locale
Des 30 600 panneaux, 4 000 seront délivrés par l’entreprise STACE de Trois-Rivières, les autres fabriqués en Asie. Hydro-Québec explique cette disproportion par le fait que disposer de panneaux éprouvés constituait un critère important afin de recueillir des données solides et objectives, ce que ne pouvait assurer la jeune entreprise locale. M. Gosselin insiste toutefois sur la volonté de sa société de donner une chance à une entreprise québécoise, faisant du nouveau parc une vitrine technologique, ainsi qu’un moyen de donner un feedback sur les panneaux mis en place.
Actuellement au stade de finalisation de la conception des plans et devis, les travaux débuteront en avril-mai, pour un cout total de 40 millions de dollars (M$) (comprenant les panneaux mais aussi le stockage en batterie). Ils s’avèreront relativement simples, passant par le nivellement des terrains, l’installation des fondations, le montage de la structure-support en métal, la mise en place des panneaux et leur raccordement au réseau de distribution. Parmi les collaborateurs annoncés, Borea Construction (filiale de Pomerleau) réalisera les travaux, et la firme d’ingénierie Hatch interviendra en tant que représentant technique, celle-ci ayant déjà suivi de tels chantiers en Ontario.
Un autre projet se prépare dans la ville de Lac-Mégantic, où sera bientôt implanté le premier microréseau solaire d’Hydro-Québec. Bien que complémentaire au développement des deux centrales dans le cadre de la transition énergétique du Québec, les opérations visent des objectifs différents. Les installations photovoltaïques du microréseau sont de plus petite envergure et s’intègrent aux bâtiments existants, avec 2 000 panneaux installés sur les toits d’une trentaine de bâtiments, dont 75 % sur le centre sportif Mégantic. Réalisée pour environ 10 M$, l’installation devrait être mise en service d’ici le début de 2021 et comprendra également des batteries de stockage allant jusqu’à 1 MWh d’énergie, ainsi que des bornes de recharge pour voiture électrique.
Le microréseau permettra de mettre à l’essai différents cas d’utilisation afin de maximiser les bénéfices pour les clients et pour le réseau. Une innovation, le fait d’accueillir des actifs de production et de stockage sur le réseau lui-même et dans les bâtiments, contribuera grandement à l’efficience du système. L’implication des résidents sera également très importante pour le succès du projet : la domotique permettra, par exemple, de contrôler les charges afin de supporter la variation des stratégies d’opération selon les saisons. Ces stratégies aideront, entre autres, à mieux gérer la puissance en hiver et, ainsi, à réduire la consommation d’énergie, tout en maintenant le niveau de confort.
Cet article est tiré du Supplément thématique – Projets 2020. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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