Percée des critères ESG dans le domaine de la construction

2 juin 2022
Par Isabelle Pronovost

Poussées par leurs employés et leurs clients, des entreprises de la construction commencent à se pencher sur leur impact sur la société et l’environnement.

Les critères ESG (pour environnemental, social et de gouvernance) ont vu le jour dans le domaine des investissements. Il s’agissait en effet d’évaluer la responsabilité sociale et environnementale d’une entreprise dans laquelle les acteurs financiers souhaitent investir. Or, depuis peu, ces critères font une percée dans le domaine de la construction.

 

Lors de la plus récente édition du Forum stratégique sur les grands projets métropolitains, deux conférenciers ont voulu donner des exemples concrets de l’application de ces critères au sein de leur entreprise : Jean-Pierre Gauthier, directeur et vice-président principal de Kiewit, et Geneviève Roy, directrice principale, Environnement et développement durable chez Pomerleau. Les défis sont nombreux, puisque chaque projet de construction est différent, mais il est tout de même possible d’implanter des mesures qui s’appliqueront à tous les types de chantiers.

 

Améliorer le bilan environnemental

Les critères environnementaux mesurent l’impact direct ou indirect de l’activité de l’entreprise sur le climat. Selon Geneviève Roy, il faut notamment aller au-delà de l’efficacité énergétique lorsqu’il est question de décarbonation des bâtiments. « Il ne faut pas oublier que la construction émet aussi des GES. Donc on peut construire des bâtiments et des infrastructures hyper vertes de façon très polluante », souligne-t-elle. À cet égard, la gestion des déchets de construction ou de déconstruction est un aspect sur lequel les entrepreneurs peuvent agir. Elle donne l’exemple de la déconstruction du pont Champlain, où 90 % des matériaux — structures d’acier, béton et asphalte — ont été réutilisés. Le même procédé a été appliqué par Kiewit pour l’échangeur Turcot : 80 % des matériaux de l’échangeur original ont été intégrés au nouvel échangeur ou ont été valorisés à l’extérieur du site.

 

Une autre façon pour les entrepreneurs d’améliorer leur bilan environnemental est d’électrifier leur parc de véhicules. Pour le projet du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, piloté par Pomerleau, 60 % de la flotte est hybride et 40 %, électrique. L’utilisation d’énergies renouvelables pourrait aussi s’appliquer aux équipements.

 

Investir dans le capital humain

Du côté des critères sociaux, qui portent sur l’impact des entreprises sur leurs clients, leurs fournisseurs, leurs collaborateurs, leurs employés et les communautés locales, plusieurs mesures peuvent être prises. Chez Kiewit, la santé et la sécurité des travailleurs sont au cœur des préoccupations. « Il ne faut pas seulement suivre les règles qui existent, il faut innover. Il faut s’améliorer au jour le jour pour que la santé et sécurité soient prioritaires sur tous nos chantiers de construction », affirme Jean-Pierre Gauthier. Une attention particulière doit également être accordée à l’équité et à l’inclusion dans les équipes, qu’il s’agisse de femmes, de personnes racisées ou d’autochtones. Kiewit a d’ailleurs ouvert un bureau dans le Grand Nord pour se rapprocher des communautés autochtones et faciliter l’employabilité. Selon le directeur et vice-président principal de l’entreprise, certains donneurs d’ouvrage accordent maintenant des points pour la diversité dans les soumissions.

 

Une approche réclamée par les employés et les clients

Les deux conférenciers en conviennent : l’adoption des critères ESG a été poussée par leurs employés, notamment les plus jeunes. « Chez Pomerleau, on a beaucoup de jeunes de 25-35 ans dans l’entreprise. On sentait une forte pression de la part de nos employés. C’est une génération qui est ambitieuse, qui a besoin d’avoir un alignement entre leurs valeurs et les valeurs de l’entreprise », témoigne Geneviève Roy. Pour Jean-Pierre Gauthier, il s’agit en outre d’un facteur de rétention de la main-d’œuvre.

 

La pression vient également des clients, qui exigent de plus en plus de projets certifiés LEED, carbone zéro ou Passivhaus. Chez Pomerleau, 36 % des bâtiments étaient des projets verts en 2020, une proportion qui a grimpé à 51 % en 2021. Dans ce contexte, il est avantageux de se positionner comme entreprise qui intègre les principes d’économie circulaire.

 

Même si la demande est là, Geneviève Roy souhaiterait que les donneurs d’ouvrage soient encore plus ambitieux. Qu’ils ajoutent des exigences en lien avec la décarbonation des projets — pas seulement au stade de la conception, mais aussi de la construction —, qu’ils donnent plus de place aux solutions vertes proposées par les bâtisseurs, qu’ils intègrent davantage de critères en matière de diversité et d’inclusion.

 

Pour sa part, Jean-Pierre Gauthier voudrait plus d’innovation dans le modèle d’approvisionnement. Selon lui, les choix devraient se porter vers la proposition qui aura l’impact environnemental le moins important et non le consortium avec le prix le plus bas. En attendant, il continuera à déployer la philosophie ESG au sein de son entreprise. « Il existe plusieurs raisons pour lesquelles on devrait adopter une stratégie ESG, mais selon moi, il y en a juste une, c’est que c’est juste la bonne chose à faire. »

Cet article est paru dans l’édition du 19 mai 2022 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous.