5 avril 2021
Par Jean Garon

Impossible de revenir en arrière et de retourner aux anciennes méthodes de gestion de projets en construction. Telle est la conviction des gestionnaires qui participent au déploiement de l’approche BIM-PCI dans la gestion des projets immobiliers de la Société québécoise des infrastructures (SQI).

Que tous se le tiennent pour dit : cette façon de faire est là pour rester et est même appelée à se développer avec d’autres dimensions du BIM, selon Guy Paquin, directeur général des stratégies et des projets spéciaux à la SQI. « On avait une cible de 12 à 15 projets majeurs en BIM-PCI en 2020-2021. Aujourd’hui, on est rendu à 82 projets, en cours ou en voie de l’être, totalisant des investissements d’une valeur de 15,5 milliards de dollars. »

 

D’ailleurs, tous les projets de la SQI évalués à 50 millions de dollars et plus seront réalisés à l’aide de cette méthode à compter du 1er avril 2021, tandis que les projets de plus de 5 millions de dollars le seront d’ici le 1er avril 2023. Cela prouve que cette approche n’est pas l’apanage des gros projets réservés aux grandes entreprises uniquement. Les plus petits entrepreneurs devront donc eux aussi se préparer à prendre ce virage.

 

Agrandir le cercle des compétences

Guy Paquin rappelle que plusieurs initiatives ont été menées au cours des cinq dernières années afin de faciliter ce changement et d’assurer son acceptation au sein du domaine de la construction. « On a travaillé étroitement avec l’industrie, notamment en tenant des dizaines de rencontres avec des architectes, des ingénieurs, des entrepreneurs et des maisons d’enseignement, dont l’École de technologie supérieure (ÉTS). »

 

Guy Paquin, directeur général des stratégies et des projets spéciaux à la SQI. Photo : SQI

 

De grands états généraux ont aussi été menés en collaboration avec le ministère de l’Économie et de l’Innovation (MEI). « On a travaillé avec le MEI et le Groupe BIM Québec lors de l’élaboration de l’Initiative québécoise de la construction - ou IQC 4.0 - pour aider les entreprises à prendre le virage numérique. » Quelque 150 entreprises se seraient d’ailleurs déjà inscrites au programme. L’IQC 4.0 souhaiterait aider pas moins de 500 entreprises à s’inscrire dans le virage numérique en leur offrant un diagnostic, de l’accompagnement ainsi que de l’aide financière.

 

Limiter l’approche aux usages autorisés

Préoccupée par le fait que ce nouveau mode de gestion BIM-PCI risquait de resserrer le marché, la SQI a cependant décidé de ne pas exiger la certification de ses fournisseurs. Elle a plutôt adopté une approche progressive et mesurée, se limitant aux maquettes 3D en y définissant les usages autorisés.

 

Inchangée depuis 2016, cette spécification réserve les usages autorisés à des fins de compréhension et de coordination de projet. En ce sens, la maquette numérique 3D d’un projet est bel et bien considérée comme étant contractuelle, au même titre que des plans et devis conventionnels sur papier. Ces derniers demeurent, malgré tout, prioritaires à la maquette.

 

Ces usages autorisés évolutifs seront bientôt étendus à d’autres dimensions que le dessin 3D de l’ouvrage à réaliser. Selon Guy Paquin, il est déjà question d’ajouter la dimension 4D, prenant en compte le temps, et la dimension 5D, concernant les couts, sans oublier les dimensions 6D et 7D, visant le développement durable et le transfert des données pour l’exploitation des nouveaux bâtiments. Bref, une démarche progressive est entreprise. Celle-ci mènerait ultimement à la gestion numérique à long terme des immeubles, se poursuivant après leur mise en service.

 

Les expériences réalisées à ce jour démontrent certains résultats, relate Guy Paquin. À titre d’exemple, deux entrepreneurs invités à témoigner de leur expérience lors d’une conférence songeaient à ne plus soumissionner sur des projets qui ne soient pas accomplis à l’aide de cette méthode. Le premier, entrepreneur général, disait apprécier le fait de consacrer 75 % moins de temps à l’estimation de projets lorsqu’ils sont effectués en BIM.

 

Le second, spécialisé, a affirmé gaspiller moins de tôle lors de ses projets, en plus de remarquer que ses travailleurs sont plus heureux sur le chantier grâce à une meilleure coordination des interventions.

 

Gagner en maturité par l’expérience

Les bénéfices du mode de gestion BIM-PCI se révèlent sur plusieurs plans, comme en témoigne Robert Topping à la direction du Bureau de projet du nouveau complexe hospitalier (NCH) à Québec : « Quand on travaille en BIM avec des ateliers PCI, c’est très aidant parce qu’on peut voir les interventions de chaque fournisseur impliqué dans la maquette interactive et leurs ajustements au fur et à mesure. Ça aide à ne rien oublier au niveau de la conception. »

 

Robert Topping à la direction du Bureau de projet NCH à la SQI. Photo : SQI

 

Sur ce plan, il confirme que la SQI et ses fournisseurs ont gagné en maturité. Pour lui, il s’agit de l’un des avantages les plus appréciables de l’approche BIMPCI, puisqu’il permet de détecter les interférences ou les incohérences dès le début des projets en assurant de positionner correctement les composantes du bâtiment avant leur mise en place au chantier.

 

On peut facilement imaginer les gains en termes de temps et de couts épargnés en correctifs, en modifications ou en extras. Sans compter les règlements de conflits évités et les retards de paiements. À ce propos, Robert Topping insiste sur la nécessité de mener en parallèle les processus BIM et PCI. La conjugaison de ces deux méthodes permettrait à la fois de considérer plusieurs facteurs, comme la constructibilité du projet, le choix d’implantation, le mode de réalisation, la gestion des risques et la coordination des travaux à exécuter en bon ordre avec tous les acteurs impliqués.

 

Pour Robert Topping, il ne fait pas de doute que l’adhésion à cette pratique est maintenant répandue dans une plus grande proportion du marché, tant chez les architectes et les ingénieurs que chez les entrepreneurs, toutes les parties y trouvant des bénéfices. Ce qui lui fait croire que le déploiement de cette approche à la SQI atteindra bientôt suffisamment de maturité pour passer aux autres étapes dans cette voie vers une efficacité accrue qui semble à sens unique.

 

UNE INITIATIVE QUI PORTE SES FRUITS

La SQI a remporté deux prix en novembre 2020 pour son utilisation du BIM-PCI : un prix dans la catégorie Innovation en Gestion d’actifs et de cycle de vie, et le Grand Prix des CanBIM Awards choisi parmi les gagnants de toutes les catégories pour Le meilleur de l’innovation. « Cette reconnaissance de l’association pancanadienne CanBIM nous a confirmé notre position de leader dans l’utilisation de cette technologie parmi les donneurs d’ouvrage publics au Canada », mentionne Guy Paquin.