Transport et immobilier : une relation d’interdépendance

5 avril 2021
Par Aurélie Beaupré

Avec le déploiement d’un nombre grandissant de quartiers de type TOD (Transit-Oriented Development) à travers le Québec, notam- ment à Candiac et à Vaudreuil-Dorion, les développeurs immobiliers doivent envisager plus sérieusement les enjeux liés au trans- port, tant sur le plan de la demande, de sa planification que de son intégration.

Autrefois, la question ne se posait même pas : les villes et villages s’implantaient souvent à proximité de cours d’eau navigables afin de faciliter les échanges commerciaux. Avec le déploiement des chemins de fer et plus tard, des autoroutes, l’humain a adopté le même modus operandi et a cru bon de s’établir près de grands axes routiers.

 

L’inverse est aussi vrai. La mise en chantier d’un nouveau projet immobilier amène souvent les acteurs chargés de développer les réseaux de transport à envisager les mesures à mettre en place afin de répondre aux attentes de ceux qui occuperont le territoire, tout en réduisant les nuisances liées à la circulation.

 

Florence Paulhiac Scherrer, professeure titulaire au Département d’études urbaines et touristiques de l’École des sciences de la gestion (ESG) et titulaire de la Chaire internationale sur les usages et pratiques de la ville intelligente, nous explique comment il est possible de profiter de cette relation bilatérale afin d’orienter l’histoire de l’aménagement de notre territoire.

 

Écrire ensemble le développement du territoire

La relation d’interdépendance entre le transport et le développement immobilier touche de nombreux acteurs. Les rues et les pistes cyclables, par exemple, sont prises en charge par les municipalités, les autoroutes par le ministère des Transports du Québec et les transports collectifs par les sociétés de transport.

 

« Ces acteurs possèdent différentes façons de travailler et dépendent de temporalités qui leur sont propres. Ce n’est donc pas spontané pour eux de se consulter », explique la professeure.

 

Florence Paulhiac Scherrer, professeure titulaire au Département d’études urbaines et touristiques de l’École des sciences de la gestion (ESG) et titulaire de la Chaire internationale sur les usages et pratiques de la ville intelligente. Photo : Denis Bernier

 

La communication entre ces entités distinctes s’avère cependant essentielle afin que le transport et le développement immobilier s’adaptent et s’harmonisent l’un à l’autre. Ainsi, il devient plus facile de circonscrire les besoins et les nuisances potentiels ayant trait au transport, améliorant par le fait même la qualité de vie autour des secteurs en développement : « On sait que, plus on anticipe en amont, si on se donne le temps et les moyens, on gagne un grand bénéfice à travailler la demande et l’offre en transport pour éviter de créer de nouvelles nuisances ».

 

Une demande en transport augmentée

L’aménagement d’un secteur crée généralement une nouvelle demande en transport : « Les gens et la marchandise doivent non seulement circuler sur le site, mais également y entrer et en sortir », explique Florence Paulhiac Scherrer. Bien que la planification du transport humain soit primordiale lorsque vient le temps de concevoir un nouveau projet, il ne faut pas négliger l’impact du transport des produits et des services, puisqu’il peut poser bon nombre de problèmes, notamment en créant du trafic.

 

On peut penser, à titre d’exemple, à la Ville de Boucherville, qui songe présentement à modifier le tracé de son chemin de fer. Longeant de nombreux quartiers résidentiels, cette voie ferrée risque de devenir une nuisance en raison du nombre accru de trains y circulant, occasionné notamment par le projet d’agrandissement du terminal portuaire de Contrecoeur, pourtant situé à plusieurs kilomètres de la municipalité.

 

Une plus grande concentration de population sur un territoire risque donc de créer beaucoup de mouvement, tandis que le transport commercial, souvent effectué par de gros véhicules, engendre d’autres types de nuisances, telles que du bruit et des conflits d’usage. Des mesures atténuantes peuvent cependant être appliquées : « On peut, par exemple, tenter de réduire la place de l’automobile en réglementant le zonage pour les stationnements ou en aménageant des espaces publics propices au vélo et à la marche », évoque Florence Paulhiac Scherrer.

 

Au volant du développement immobilier

La construction de grands axes de transport, pour sa part, engendre souvent un attrait pour le développement immobilier. L’accessibilité et la mobilité motivent généralement les citoyens et les entreprises à s’installer au sein d’un secteur ou, au contraire, à l’éviter.

 

Il est donc possible de prédire qu’un secteur se développera à la suite de l’aménagement d’une nouvelle infrastructure relative au transport. « Il faut anticiper, sur un nouveau tracé, cette logique du développement territorial et de l’aménagement de nouveaux secteurs afin d’arriver à capter les fonciers les plus intéressants », explique Mme Scherrer. Il devient alors possible de mieux encadrer l’urbanisation future afin de voir ce qui serait le plus bénéfique pour la zone qui risque de se développer : « On peut en profiter pour changer le zonage d’un secteur s’il est désuet ou, par exemple, si un développement résidentiel pourrait profiter aux alentours ».

 

Cette relation réciproque entre l’aménagement du territoire et le développement immobilier implique nécessairement une concertation transparente entre les différents acteurs afin de mettre en avant-plan le bien-être collectif lorsque vient le temps d’aménager de nouveaux quartiers : « Nous sommes de plus en plus conscients collectivement, tant les urbanistes, les acteurs du secteur privé et les gens en transport, de la nécessité de se parler davantage et de travailler en amont des projets », conclut Florence Paulhiac Scherrer.